men vs women, similaire à KK vs QQ ?

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Les femmes jouent moins bien au poker que les hommes. Voici pourquoi.

Les statistiques des joueuses de poker

Les femmes et le poker n'ont à ma connaissance fait l'objet d'aucune recherche digne de ce nom. En français, on trouve cette étude, effectuée sur un échantillon, absolument pas représentatif, d'à peine 80 joueuses  ; en anglais il n'y a guère mieux que cet infographic, qui balance des statistiques contestables sans citer aucune source. Difficile donc d'obtenir des vérités statistiques précises et indiscutables. Cependant, un consensus semble établi sur les faits suivants : Les femmes sont beaucoup moins nombreuses que les hommes à jouer au poker. Les femmes sont bien plus présentes sur internet qu'en live comparées aux hommes. Plus le niveau augmente, plus le pourcentage de femmes diminue. Ainsi, seulement deux femmes, Vanessa Selbst et Kathy Liebert, avec environ 5 ,5 millions de $ de gains chacune, figurent au top 100 des plus gros gagnants live.

Attardons-nous sur ce dernier point : "plus le niveau augmente, plus le pourcentage des femmes baisse". A priori, tout le monde sera d'accord pour dire que l'on doit trouver le même pourcentage de bruns, par exemple, chez les joueurs moyens, chez les joueurs faibles, et chez les tout meilleurs (sauf à supposer que les bruns soient avantagés/désavantagés). Si les femmes présentaient les mêmes caractéristiques concernant le poker que les hommes alors on devrait trouver le même pourcentage de femmes dans chaque tranche de niveau. Or ce n'est donc pas le cas. Deux hypothèses, qui ne sont pas nécessairement incompatibles, peuvent expliquer cette différence. La première explication possible est que le niveau moyen des femmes serait plus faible que celui des hommes. La deuxième est que les femmes souffriraient d'une incapacité à atteindre le haut niveau. Elles n'auraient pas la capacité à devenir champion(ne), pas "la gagne". Notons que cette hypothèse implique qu'il y ait un pourcentage d'hommes bien plus élevé chez les joueurs faibles. Les femmes seraient globalement plus moyennes, tandis que les hommes auraient à la fois plus de joueurs très bons et de joueurs très mauvais.

Les deux diagrammes ci-contre illustrent ces hypothèses. Les courbes représentent le nombre de joueurs(euses) en fonction du niveau. En rouge les courbes des hommes, en bleu celles des femmes. Dans la première figure, on peut supposer que la courbe des femmes corresponde à celle des hommes il y a plusieurs années : à la fois moins nombreux et en moyenne plus mauvais que maintenant, mais évidemment avec la même capacité à devenir champion. Dans la deuxième figure on voit bien les moyennes identiques mais l'écart-type bien plus faible chez les femmes. Sans étude statistique sérieuse, il est difficile de trancher entre ces deux hypothèses, qui ne s'excluent pas forcément. Je crois personnellement que la première est bien plus influente que la deuxième. Quoi qu'il en soit, les différences existent. La grosse question est de savoir si elles sont d'origines naturelles ou culturelles...

Le piège des explications naturelles

Tant qu’aucun chercheur n’aura testé des centaines de joueurs et de joueuses en train de jouer, comparé leurs IRM, taux d’hormones, pression sanguine et autre vitesse cardiaque, il sera vain, contre-productif, d’avancer des différences naturelles pour expliquer celles statistiques. Un exemple : la testostérone. Il pourrait paraître sensé de dire que le poker est un jeu agressif, que la testostérone est l’hormone de l’agressivité, que les hommes ont plus de testostérone que les femmes, et de conclure que les hommes sont naturellement meilleurs au poker et que cela ne changera jamais. Pourtant, selon un raisonnement similaire, on pourrait dire que la testostérone est l’hormone de l’impulsivité, que cette impulsivité mène au tilt, et d’en déduire que les femmes sont meilleures au poker que les hommes précisément car elles ont moins de testostérone que les hommes ! Ou encore que la testostérone fait constamment penser les hommes au sexe et les distrait donc, les empêchant de bien jouer... Quoi qu’il en soit, je n’ai encore jamais vu aucun bookmaker regarder la pilosité de deux mâles pour établir son pronostic : « celui-ci a plus de poils au torse, donc plus de testostérone, donc plus de chance de gagner le HU » Ça me paraîtrait absurde, au-delà du fait que je ne suis pas sûr que l'on puisse établir un lien entre pilosité et taux de testostérone…

Méfions-nous donc grandement de ces conclusions intuitivo-pseudo-scientifiques hâtives. Rappelons à ce sujet que, pendant des décennies, certains pontes scientifiques, le Français Broca en tête, ont prétendu qu’il existait un lien entre la masse du cerveau et l’intelligence, or il est maintenant clairement établi qu’il n’en est rien. Mais attention, le fait qu’on ne puisse pas, à l’heure actuelle, prouver l’influence de qualités naturelles précises sur le niveau de jeu, ne signifie pas que les différences naturelles qui existent bel et bien entre hommes et femmes n’ont rien à voir avec les différences relevées dans les statistiques. Simplement, comme on ne peut rien prouver, abstenons-nous de polémiquer vainement.

Diverses explications culturelles

Non seulement elles sont moins nombreuses, mais les joueuses jouent et s’entraînent moins que leurs homologues masculins. C'est la principale raison à la différence de niveau entre hommes et femmes, et elle est culturelle. "attends, avez vous peut être envie de m'objecter, pourquoi ça serait pas naturel ?! les femmes jouent moins parce qu'elles sont naturellement plus nulles, voilà tout". Cela serait une erreur classique que vous commettriez, celle de regarder la photo et non le film. Les femmes jouent moins certes, mais de plus en plus. Si ces dernières années le poker est en plein essor, en général et chez les femmes plus particulièrement, ce n'est pas parce qu'elles auraient muté et développé de nouveaux gênes d'attirance au poker. Le changement est beaucoup trop rapide pour être lié à la nature, il est d'origine culturelle : le monde du poker est de moins en moins macho et les rooms cherchent à attirer les femmes. Bref, les femmes passent en moyenne moins de temps sur les tables, donc elles sont en moyenne plus mauvaises, c'est la plus simple et la principale explication, mais pas la seule, il y en a des plus pernicieuses.

Les individus se conforment aux clichés, même infondés, portant sur eux. Ce phénomène, bien connu en psychologie-sociale, est appelé menace de stéréotype. Les chercheurs Huguet et Régner ont ainsi imaginé l'expérience suivante : faire résoudre le même exercice à deux groupes de jeunes élèves. Dans le premier groupe, les garçons ont bien mieux réussi que les filles ; à l'inverse, les filles ont brillé dans le deuxième groupe. L'exercice était identique, mais intitulé une fois "géométrie" et l'autre fois "dessin"... Nous nous plions inconsciemment aux préjugés qui nous concernent, qu'ils soient intrinsèquement vrais ou pas. Véhiculé par l'histoire du jeu, les films, les livres, les revues, les propos plus ou moins humoristiques des joueurs, le cliché selon lequel le poker serait un jeu d'hommes est omniprésent. Et, de facto, pousse à faire jouer les femmes moins bien que les hommes.

Leo Margets, meilleure espagnole et aficionada des tournois fémininsUn autre facteur culturel, qui à mon sens contribue à faire déjouer les femmes, est ce qu'on peut appeler la "discrimination -faussement- positive". Il existe de plus en plus de tournois réservés aux femmes, et il est en outre bien plus facile de trouver un sponsor pour une femme, surtout si elle est jolie, que pour un homme. On pourrait se dire que ce traitement de faveur aide les femmes, mais je pense que c'est tout le contraire. Imaginez une école dans laquelle filles et garçons sont à la base aussi bons. La direction impose des nouvelles règles : les filles peuvent faire des devoirs différents, plus simples, que les garçons et les filles ont besoin d'une moyenne de 6, voire de 4 si elles sont belles, au lieu de 10 pour les garçons, pour valider leur diplôme. A mon avis il n'y aurait pas besoin d'attendre longtemps pour voir le niveau des filles s'effondrer. Les avantages qui leur sont offerts les poussent à se contenter du minimum et les tirent donc vers le bas.

Un autre frein profondément ancré dans notre société est le moindre esprit de compétition chez les femmes. Beaucoup prétendent que c'est dû à leur nature. Là encore, ce serait faire fi des changements passés. A l'époque de Pierre de Coubertin, sans parler d'encore avant, une femme ambitieuse était un oxymore, et une compétitrice un personnage de science fiction. En ce début du siècle dernier, on prétendait que les femmes ne voulaient pratiquer le sport qu'en loisir, surtout pas en compétition. Sur ce point précis, Coubertin et consorts avaient d'ailleurs plutôt raison. Seulement ce manque d'envie avait rien de naturel, il suffit de voir l'évolution du sport féminin pour s'en rendre compte. Cela dit, s'il est évident que les femmes ont bien plus l'esprit de compétition qu'autrefois, il est indéniable qu'elles ne sont pas encore, en moyenne, autant compétitrices que les hommes et que cela leur est préjudiciable.

Enfin, et ce n'est pas propre au poker, le rôle de mère est un facteur qui empêche les femmes de se consacrer pleinement à une passion. On pourrait bien sûr débattre de l'origine, culturelle ou naturelle, de ce rôle, car, même si la famille et la parentalité évoluent constamment, et grandement ces derniers temps, personne n'ose prétendre que la fusion mère/enfant durant la gestation est similaire à ce que peut vivre un père. Toujours est-il que l'on trouve beaucoup moins de femmes monomaniaques que d'hommes. Ceci ne pouvant être sans rapport avec le reproche fait à toutes celles qui, passé un certain âge, n'accomplissent pleinement ce rôle de mère. Une trentenaire sans enfant qui est toujours en vadrouille sur le circuit international souffre plus du regard de la société que ses homologues mâles. De même, on peut envisager qu'un jeune père parte à un tournoi en confiant son enfant à sa femme, alors qu'une joueuse qui quitterait son nouveau né pour jouer au poker à l'étranger se verrait sévèrement critiquée. Ce qui est vrai pour le poker l'est aussi pour de nombreuses autres activités. De manière générale, il est culturellement acceptable qu'un homme "geeke" 12h par jour, mais pas une femme.

Conclusion

Les femmes sont à la fois moins nombreuses et jouent moins bien que les hommes. Ces deux états de fait sont, au moins en grande partie, peut-être en totalité, dus à des raisons culturelles. La preuve est que la situation évolue grandement et rapidement, bien plus vite que ne peut changer la nature. Il arrivera peut-être un jour où ces facteurs culturels n'auront plus aucune influence. On saura alors s'il existe en plus des différences naturelles, ce qui n'est pas impossible, mais pour l'instant improuvable. Après tout, peut-être que les femmes sont naturellement plus douées pour le poker que les hommes ?!

Article à comparer avec celui de Mizar, d'un point de vue bien différent.

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