- 26 octobre 2011
- Ronaldinho382
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Seize mois après l’ouverture des jeux en ligne dans l’Hexagone, comment se porte le poker en ligne français ? Passé l’Eldorado des premiers mois, pendant lesquels le simple fait de connaître les règles du NoLimit Hold’em constituait un edge pour battre les high-stakes, on constate aujourd’hui qu’il n’y a plus beaucoup de tables 5/10 qui tournent sans qu’un fish soit à la table, et beaucoup de sharks étrangers arrivent sur nos réseaux.
Un lancement “réussi”
1er Juillet 2010, les sites français ouvrent leurs portes, on assiste alors à un matraquage publicitaire des rooms (qui se retenaient depuis des années, en raison du flou juridique qui régnait jusqu'alors en la matière) incitant le grand public à franchir le pas et jouer quelques euros sur leur plateforme de jeu désormais entièrement légale et sous contrôle de l’Arjel. Alors que les paris sportifs et hippiques marquent le pas, le poker semble être un franc succès dès le départ et les tables high-stakes des sites français sont alors remplies de joueurs récréatifs faisant le bonheur de bon nombre de joueurs réguliers dont le winrate augmente considérablement comparé à ce qu’il était sur le .com. La transition dollars ->euros est responsable d’un effet plus pervers : les joueurs jouent maintenant sans s’en rendre compte à des limites presque 40% plus hautes qu’avant.
On en vient alors à oublier l’augmentation drastique du rake (une taxe de 2% dans la limite de 1€ sur chaque pot venant s'y ajouter). En effet, pourquoi perdre son temps et son énergie à râler auprès des rooms alors que les parties sont devenues, à stakes équivalents, plus softs et que l’on gagne encore plus qu’avant malgré la taxe ? L’été 2010 restera comme la période ou chaque grinder français espérait avoir le dieu des cartes avec lui. On assiste alors à l’éclosion de joueurs moyens, qui grâce à un good run et un jeu adapté au .fr montent des BR qu’ils n’auraient pas eu l’occasion de monter sur le .com. Ces derniers contribuent à l’abaissement global du niveau moyen des tables en venant jouer à des limites à la hauteur de leur bankroll, mais sans corrélation avec leur niveau technique réel. Les mouvements de sit-out effectués par les joueurs avertis pour protester contre le rake jugé trop élevé s'essoufflent alors, tandis que de maigres compromis sont trouvés avec les rooms (absorption du rake préflop par la room, mise en place de caps...).
Des chiffres en stagnation depuis plus d’un an
Après ce départ en boulet de canon du poker en France - publicités, émissions de télé, engouement des français pour le jeu, on assiste depuis septembre 2010 à une stagnation des chiffres du poker online hexagonal. Alors que les chiffres de mises en cash-game restent sensiblement les mêmes depuis plus d’un an, les habitudes de jeu ne sont plus tout à fait les mêmes : les joueurs récréatifs se faisant de plus en plus rares sur les tables de high-stakes, ces tables ne tournent donc quasiment plus, et les bons joueurs sont obligés de redescendre vers de plus basses limites pour trouver de l’action. Ainsi, le niveau des tables remonte pour redevenir proche de celui du .com, à cette différence près qu'ici, le rake est nettement supérieur.
Cette accalmie en hautes limites soulève un autre problème : celui du HU high-stakes. Le HU est la discipline où un écart de niveau entre deux joueurs se voit le plus et ces limites ressemblent davantage à un champ de mines prêtes à exploser à la tête du pauvre chaland venant tenter sa chance. Les joueurs récréatifs perdent leur argent beaucoup trop vite, avant d’avoir pu raker suffisamment pour la room et, par conséquent, n’alimentent plus les tables de Short-Handed. Moins de rake et de trafic en SH, c'est économiquement dramatique et les rooms ne tardent pas à réagir, à l'instar de Pokerstars.fr ou de Winamax qui ferment leurs tables de HU high-stakes.
Vers une taxation sur le Produit Brut des Jeux
A l’heure actuelle et ce depuis l’ouverture des jeux en ligne en France, la taxation est effectuée sur l’assiette des mises, c’est-à-dire que l’Etat prélève sa taxe sur chaque pot joué. Le sénateur François Trucy, à l’origine de la loi, a déposé un rapport à la commission des Finances dans lequel il préconisait de passer à une taxation sur le Produit Brut des Jeux. La taxation sur le PBJ laisse les rooms libres d’attribuer le rake qu’elles veulent sur chaque partie (Heads-up / Short-Handed / Full-Ring ) et seraient ensuite taxées sur la globalité des mises. A ce sujet je vous invite à lire l'excellent dossier sur la fiscalité des jeux en ligne de Benoist Fechner
Cependant, la proposition d’amendement déposée par Jean-François Lamour d’une taxation de plus de 45% sur le PBJ est totalement disproportionnée et semble être une erreur de calcul de l’ancien champion olympique d’escrime qui sabrerait encore plus une industrie déjà sous assistance respiratoire. A titre comparatif, la taxation sur le PBJ est de 20% en Italie, de 15% en Angleterre.
Pour conclure, nous avons posé à deux coachs Poker Académie, Eloi et Jérôme, les questions suivantes : Pensez-vous que les beaux jours du .fr sont devant nous ? Quel avenir pour le .fr ? Une taxation sur le PBJ est-elle un cadeau empoisonné pour l’industrie ? La perspective d'une plateforme européenne peut-elle représenter un espoir sérieux ? Voici leur sentiment.
L’avis de Jérôme: De mon point de vue, l’avenir du poker online français dépend intégralement des prochaines décisions de l’ARJEL. En l’état actuel des choses, le marché devrait décliner à moyen terme. En cas de décision positive (instauration d’une taxation plus juste pour l’internaute, et potentielle ouverture vers d’autres marchés régulés), je reste optimiste sur l’avenir du marché français. Quant à mon pronostic sur les décisions de l’ARJEL, j’espère que le dialogue avec les acteurs du marché du poker et la réalisation que trop d’impôt tue l’impôt vont faire pencher la balance du bon coté.
L’avis d’Eloi : Dans le climat de crise actuel, il me semble évident que le gouvernement ne baissera pas la taxe à court terme. La gauche sera certainement pour une taxation forte du secteur. Je suis donc très pessimiste sur une issue heureuse pour les joueurs de Poker dans les années à venir. Bien entendu, je ne sous-estime pas la force des arguments légitimes qui sont présentés par les opérateurs, et défendu par le sénateur Trucy, en faveur de la baisse de la taxe. Néanmoins, puisque le but est de donner un pronostic, je me lance ! Fuite des joueurs vers le .com ou vers les marchés cloisonnés qui ouvrent avec opposition et taxe faible comme nous l'avons observé en live, baisse des liquidités sur le .fr, stagnation du volume poker global et disparition progressive des partie supérieur à 100€ de buy-in... J'espère me tromper !
A vous de donner un pronostic sur l'état du Poker en France dans les années à venir !