En gros, son idée, c’est que la publicité mais aussi le battage médiatique autour du poker conduisent les gens à jouer en n’étant pas près à le faire. En somme il aime le jeu en tant que jeu, mais pas tout ce qui va autour. Je pense qu’il est moins incohérent qu’il n’y paraît, il joue parce qu’il aime ça, mais il refuse de participer au cirque médiatique.
C’est intéressant parce que quand j’ai commencé, je supposais que j’allais perdre. J’ai d’ailleurs mis du temps à traîner sur les forums avant de me lancer dans le jeu parce que je n’étais pas près à perdre de l’argent. Finalement j’ai établi un principe très strict : j’ai mis 100$ en décidant que cette somme devrait me faire un an. Finalement, je n’ai jamais eu à remettre de l’argent. J’espérais gagner bien sûr mais je savais que je ne jouerais pas un argent que je n’étais pas près à perdre. En revanche, je me suis rendu compte avec le temps que je n’étais pas près à prendre l’argent des autres. Tant que les autres sont des joueurs réfléchis qui sont aussi près à perdre, ça ne pose pas de problème, mais en réalité, on sait que des joueurs ont de gros problèmes, que certains y laissent leur chemise. Bien sûr sur internet il y a beaucoup moins de problèmes de ce type qu’en live, mais la différence c’est que si notre adversaire est dans la détresse, on ne le voit pas.
Bref, l’idée de Colman, c’est que si des joueurs ne sont pas près à perdre, cela vient de l’image glamour et de cette idée d’argent facile que les média véhiculent autour du jeu. C’est peut-être un peu simpliste, mais quand tu te trouves à Las Vegas, c’est vraiment très tentant de penser ça, c’est vraiment une ville très triste sous l’apparence de fête permanente. C’est la ville qui vend du rêve et qui le vend très cher. J’ai rarement vu spectacle plus triste que tout ces pauvres bougres qui passent leur journée à appuyer sur les boutons d’une machine à sous. Le poker c’est pareil. Un truc caractéristique, c’est cette obsession pour les gains en tournoi, sans jamais se préoccuper des pertes.
Bref, le type est à Las Vegas, et s’il a un peu pris la peine de regarder sous le tapis, derrière les colonnes en stuc et les statues en plâtre, s’il a regardé les perdants, les gars qui sortent de leur tournoi dans l’indifférence générale et dont le monde à oublié l’existence deux mains plus tard, s’il a vu tous les gars en fauteuil roulant, venus peut-être claquer leur pension dans l’espoir fou d’une vie moins misérable, s’il a été intrigué par toutes ses filles habillées comme des putes qui poussent des woohoo stridents à la sortie des boîtes de nuit ou en passant la tête par le toit ouvrant d’une limousine hummer, s’il a regardé les hommes de ménage septuagénaires penchés sur leur seau à toute heure du jour et de la nuit, s’il a remarqué que plus on s’éloigne du centre du strip, plus les serveuses et les croupières sont vieilles, tristes et boudinées dans leur spandex, s’il a prêté attention aux légions de mexicains qui passent leurs journées en plein cagnard pour distribuer les numéros de téléphone de prostitués, et bien franchement je comprend qu’il n’ait pas envie de participer à ça. Et encore, tout ça, ce n’est que le sommet de l’iceberg de la tristesse, ce qu’on peut voir simplement en se promenant dans la ville, je ne parle pas des problèmes écologiques, de la mafia, du blanchiment d’argent, de la manière dont ils ont fait leur fortune les “milliardaires chinois” et surtout, de la pire horreur de Las Vegas, je parle bien sûr de Céline Dion. Donc bon, peut-être qu’il exagère en ne fêtant pas sa victoire, et c’est sûr, il en profite mais je comprend qu’il ne veuille pas être instrumentalisé par l’industrie du jeu.