spifen
tu parles du rapport à l’argent, et je ne peux qu’être d’accord, c’est un des éléments qui peut entrainer le joueur dans un cycle néfaste mais aussi quand on est au dessus du field moyen, si ce n’est en vivre, être un bon moyen d’arrondir les angles de son budget de vie.
je mets un truc que j’ai écrit il y a un an environ sur le sujet (à ne pas prendre au pied de la lettre obv)
L’argent au Poker !
Selon Ilana Reiss-Schimmel, docteur en psychologie clinique et psychanalyste entre l’homme et l’argent c’est une vieille histoire pleine de passion. Amour, convoitise, mais aussi haine et mépris. L’argent est-il Dieu, est-il le Diable ? La psychanalyse dépeint notre relation a cet argent par le fait qu’il est le support de fantasmes inconscients. Pourquoi aimons-nous tant l’argent ? C’est le domaine de « l’avoir », le nourrisson se meut dans cette sphère (il ne se souci pas de l’être), avoir faim, avoir soif, souffrir du manque… a l’âge adulte on transfert tout cela sur le maitre argent, symbole de l’avoir le plus parfait. (Attention, attention) pour une part, notre relation à l’argent est animée par des fantasmes élaborés lors des phases orales et anales du développement psychoaffectif. (Qu’on soit d’accord, rien de salasse ici, inutile de faire des commentaires ayant trait au Sx).
Freud a surtout théorisé le rapport entre l’argent et le stade anal… au stade oral, l’enfant (donc chacun de nous à une époque) est en état de dépendance et rêve donc d’un « sein » inépuisable – l’outil nourricier intarissable.
On retrouve ce fantasme chez les gens qui courent après l’argent et le toujours plus, c’est l’équivalent ou le substitut du sein permanent et prodigue. Pour ce qui est de la relation à l’argent en tant qu’avarice (ou radinerie primaire, selon le degré), c’est le rapport au jeune âge dont la rétention obstinée le protège contre la menace imaginaire de se voir vidée de sa substance (comme quoi le pipi caca peut nous ramener à bien des choses).
Bon nous avons posé « des jalons » psychopathoschmilbikien de nos rapports au fric et maintenant en relation avec le poker, qu’en est-il ?Ici, il ne sera pas question (encore une fois) de l’économie du poker, on parlera de l’argent de chacun, celui que j’utilise pour jouer, que vous gagniez ou perdiez et de comment, pourquoi et surtout du rapport à celui-ci dans ce jeu. Comment voit-on l’argent misé au poker ?
On peut envisager cet argent comme un outil de travail, le trader utilise de l’argent en capitalisant un risque, il en va partiellement de même pour le joueur de poker, nous pourrons évidement faire la distinction tout de suite entre le professionnel. Lui, qui utilise une partie de son patrimoine en tant que Bankroll (tapis d’argent servant à jouer, fond de roulement si on veut) et le joueur amateur qui consacre une partie de son budget loisir ou foyer (plus dangereux) pour assouvir ses instincts de joueur. Certaines personnes jouent de l’argent alors qu’elles détestent ça, je ne saurais trop leurs conseiller d’aller consulter au plus vite un psy, je n’aime pas avoir mal, j’évite donc tant que faire se peu de me mettre en situation de souffrance (sado-maso s’abstenir de tout commentaire
).
Il est intéressant de voir que l’on peut aussi envisager la vision du non-joueur dans ce rapport à l’argent, il verra tout ceci comme un risque (probablement défini comme inutile et stupide). Il ne comprendra pas que tout un chacun puisse balancer aux chiottes une somme prédéfinie en s’adonnant a un jeu qu’on pourrait pratiquer pour le plaisir uniquement.
Il n’entreverra jamais que comme un trader encore une fois, on peut pratiquer ce jeu avec un bagage de compétences qui permet de gagner de l’argent sur le long terme, mais il suffit même en lui expliquant cent fois la même chose et en lui montrant les chiffres qu’il vous voit perdre une session pour que son avis ne soit conforté à vie. Il y a un aspect assez amusant, on entendra souvent parler de respect de l’argent, personnellement je ne vois pas en quoi il faut respecter la monnaie fiduciaire (pour rappel : c’est la valeur accordée par la confiance et par un support, l’or est le garant de la valeur des monnaies actuelles, le billet de 10€ ne vaut pas 10€ en relation avec les couts des matières qui le compose). Quand on parle de respect de l’argent, de quoi parle-t-on ?
Si on me parle du fait que balancer 20€ dans les toilettes est irrespectueux je peux répondre oui, mais par en rapport à l’argent, mais en rapport à ce que j’aurai pu faire avec, ne serait-ce que le donner à la première personne croisée dans la rue qui aurait pu l’utiliser à sa guise. En fait, cette réflexion dite à l’encontre du poker ou d’un joueur de poker concerne le montant des mises faites, on pourra donc pour celui qui fait un buy-in disproportionné a ses moyens, définir un manque de respect, mais pas de l’argent, de lui-même, pour la panade dans laquelle il peut se mettre et de ses proches si il ‘tape’ dans le budget de la famille pour jouer.
(Veuillez composer le 0…… je ne connais pas le numéro et mon rôle n’est pas de vous intimer quoi que ce soit), par contre quand Guy Laliberté, le multimilliardaire bien connu (fondateur des cirques du soleil) engage 1 million de $ dans le tournoi qu’il a lui-même lancé, à savoir le one drop, qu’y a-t-il a redire sur le montant de son investissement ? Cela reviendra pour un smicard à payer 50 centimes d’euros ? Ou quelque chose dans le genre, et qui irait critiquer cela ? A mon sens, pas grand monde. On pourra tout de même se poser la question des limites, jusqu’à quand et surtout jusqu’où les tailles des blinds vont-elles monter ?
Jouer a des blinds 400/800 a 100BB de profondeur (et donc avec un tapis au départ de 80000 € ou $ peu importe) implique raisonnablement de disposer de 2.4M minimum soit une trentaine de « caves », ce qui est une gestion de Bankroll relativement tendue. Une phrase de Gus Hansen : Ca ne me dérange pas de jouer de gros pots, mais il faut que ça reste raisonnable. Je n’ai pas 200 millions de dollars pour jouer des coins flips à 1 million et personne ne peut se le permettre. Je m’écarte le plus possible de ces tables de fous…
Celui qui renvoie donc une des images les plus prononcées de gambling et de jeu ayant une variance folle serait-il fait comme vous et moi ? Il serait affecté par la perte de grosses sommes et tendrait à amoindrir les facteurs risques ? Qu’en est-il des visionnages des épisodes d’émissions de poker où les pots misés montent à des montants extraordinaires – il suffit de mettre une vidéo avec « bigger pot of online poker » (le plus pot du poker online) pour que le nombre de vue sur Youtube monte exponentiellement. Voyeurisme ? Envie, jalousie ?
Respect des personnes qui sont capables de jouer de telles sommes ?Ceci nous amène au détachement dont font preuve certaines personnes, on peut voir depuis la réouverture de Fulltilt.com, le retour des highs stackers comme Isildur ou Gus Hansen (ce dernier aurait d’ailleurs perdu près de 2 millions depuis son retour sur la room qui l’a révélé au monde), est -ce un détachement incroyable ou seulement un esprit rationnel qui dit que l’argent posé au milieu n’est que l’outil du quotidien et que les comptes se font en fin de période ?
Un petit rappel d’un des plus gros pots joués en live dans High stakes poker :Les 2 protagonistes sont David Benayamine et Guy Laliberté (et oui encore).On va prendre le coup au flop, David a Ac8c (As de trèfle 8 de trèfle pour ceux qui n’ont pas l’habitude) et Guy détient Kd5d (diamond = carreau).Le flop est révélé : Kc3d5c (pot 27.900$)Ce qui nous donne un tirage Nuts flush (couleur max) pour David contre 2 paires flopées pour Guy. David Mise 43K$ et Guy relance a 168K$(Sam Farha se sauve en courant) – David prend connaissance du tapis de Guy et => « i’m all in ! » Guy réfléchi a cartes découvertes avant de « i Call »Ici David commet de prime abord une erreur, Guy lui demande si il veut un tirage ou deux tirages des turn et river (ce qui se pratique a cette table) – n’ayant que 35% de chance de remporter le coup, David aurait du instantanément prendre l’option de 2 tirages, mais ne le fera pas. On pourrait d’abord penser que justement c’est un gambler et que cet argent, il l’a joué en connaissance de cause, mais tout son corps exprime le contraire, cela semble plus être une réponse du type qui a la tête bien dans le guidon et qui n’est plus capable de prendre la bonne décision posément. Ce qui donne un pot a 1.227.900$
On peut voir ici que David n’est pas trop a l’aise, c’est de l’argent et beaucoup d’argent, même pour des gens qui sont censés jouer a des limites aussi grandes en connaissance de cause. Là, on va pouvoir relativiser certains points :
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Guy, conscient de ce que représente tout cet argent pour David lui fait une proposition « je sais que c’est beaucoup d’argent pour toi, et c’est comme tu veux, mais tu as dit 1 tirage… tu peux prendre la bonne décision » (ici, Guy, conscient de l’écart de portefeuille entre son adversaire du jour et lui-même lui fait une proposition à tête reposée de choisir l’option multitirage)
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David essai de garder de la prestance répond « c’est ok, pas de souci », mais on voit bien que la réalité est tout autre.
Doyle Brunson présent à la table aura cette phrase à l’adresse de notre compatriote « Pour Guy ce pot représente une journée de sa vie, mais pour toi cela représente toute ta vie »C’est là ou peut concevoir le gouffre entre un joueur qui joue réellement aux limites auxquelles il peut s’adonner et un autre qui surjoue clairement sa bankroll, ainsi que le détachement (aisé diront certains) de Guy pour un pot a plus de 1 million de $.L’histoire se terminera par un élan de générosité de Guy qui propose « d’arrêter » le coup au flop et que chacun reprenne ce qui a été misé ultérieurement. La question ici, est-ce que les joueurs qui jouent des sommes folles sont conscients de ce qu’ils font (je ne juge pas le bien fondé des mises engagées) dans le sens où misent t’ils de l’argent en connaissance de cause ou leur esprit est-il focalisé sur le fait que ce ne sont que des jetons qui sont le moyen en fin de session de tenir les comptes et de savoir si leur journée de travail à été profitable ou non ?
Ici, quand David mise son tapis pour 600000$, a-t-il espoir de prendre le pot tout de suite et une somme confortable ou se sent il fort et espère t’il a priori gagner le tapis de son adversaire ? Toute la balance se situe là, entre l’espoir et le gamble, la folie et le détachement. Certains seront estampillés comme fous parce qu’ils auront perdu leur coin flip à 500000€ et d’autres comme des génies au détachement incroyable parce qu’ils l’auront remporté. Personnellement, je n’ai pas de réponse ni de jugement. Nous pourrions aussi parler des folles parties de Macao qui attirent les joueurs pro pour se frotter aux richissimes hommes d’affaires locaux en mal de sensation et pour qui miser 10 millions sur la table revient a offrir 100€ a un casino en jouant à la roulette pour un quidam ‘normal’. Mais, ici, pas d’exposition médiatique, pas d’affichage au grand jour des mises folles, cela reste dans un contexte « confidentiel » et ce même si on en parle partout autour de la planète.
Ceci, n’est encore qu’un exemple de la démesure, on arrive au poker a ce qui a fait la richesse des casinos en des temps bénis pour eux, les baleines, ces richissimes joueurs qui affichaient cette richesse en perdant des millions à l’heure en jouant a des tables de craps, de roulette et de Blackjack (en ne connaissant qu’à peine les règles).Une critique que je ferai ici par contre, la confusion entre une Bankroll et le budget de vie, le joueur de poker si il en vie doit (je dis bien dois) maintenir une marge entre son argent en tant qu’outils de travail – sa bankroll – et son budget du quotidien (loyer, bouffe, charges, etc…), je ne vais pas refaire une sempiternelle refonte des points qui font d’un joueur un addict ou un joueur raisonné et ici je m’en cogne, c’est un point de raison pure. Comme un gestionnaire de patrimoine pour les particuliers va tenter de faire prospérer une portion de ce que les gens détiennent sans pour autant les démunir, il va prendre une quote-part de ce qu’on lui aura confié pour le miser sur du capital-risque (risqué, mais plus rentable) et le reste sur des placements sécurisés, mais a lents dividendes. Il en va (ou devrait) de même pour le joueur, par respect non pas de l’argent, mais de sa vie. Maintenant si on prend le gout pour ce jeu, j’aime le poker et je m’y adonne, point barre !Ok, mais pourquoi pas en play money uniquement alors ?
Si c’est le jeu qui te passionne, tu dois pouvoir te faire plaisir en jouant pour des cacahuètes, non ? En fait, ici on touche a tout ce qui fait l’être humain et on remonte aux aspirations les plus profondes et lointaines citées au début de cet article.
Si on fait un petit parallèle avec les jeux de hasards purs (l’administration fiscale ayant bien défini que le poker n’en est pas un, merci beaucoup pour les impôts…), une étude Québécoise dit ceci (elle est confirmée par de nombreuses autres, ce n’est pas juste un coup de cœur pour nos amis Caribous).
- On persiste à jouer en raison d’une conception erronée du jeu plutôt qu’en raison d’une quelconque carence dans notre éducation, notre environnement social ou notre personnalité. Bien qu’on soit relativement rationnels en dehors d’une situation de jeu, il se produit une sorte de dérapage lorsqu’on joue puisqu’on continue d’appliquer les principes de raisonnement de la vie de tous les jours à une situation qui est pourtant dominée par le hasard.
- Le piège dans les jeux de hasard et d’argent est de les considérer comme des jeux d’adresse, ce qui engendre une illusion de contrôle et fait surestimer nos chances de gagner. Dans un jeu d’adresse, on apprend de ses erreurs passées pour améliorer sa performance, alors que dans les jeux de hasard, il est absolument inutile de tenter d’améliorer nos «stratégies» en examinant les coups précédents. Les résultats sont déterminés au hasard, les stratégies ne sont d’aucune utilité. (NDR : messieurs qui utilisez une martingale pour la roulette, renoncez s’il vous plait.)
Il ya aussi, tout de même le fait que l’on aime l’interdit, le tabou, on nous a toujours dit «non, non, non » « tu ne feras pas ça », « ce n’est pas bien », etc… je sais bien que c’est réducteur comme vision, mais ne me dites pas que le fait de jouer –avec le mal- n’a pas un coté excitant. Il en va de même du défi d’une éducation reçu, il suffisait de voir les tenues arborées par les jeunes Anglais au milieu des années 90, ce n’était pas une question de mouvance punk, mais du fait de se voir obliger de porter un uniforme toute la journée au seing de l’école, il leur fallait se démarquer les uns des autres sitôt sorties. Nous voyons pourtant de plus en plus de clubs amateurs loi 1901, avec des fréquentations de plus en plus importantes, alors, pourquoi trouvons-nous des joueurs qui vont jouer pour « rien » ? En-tout-cas pour rien de valorisable instantanément, nombre de clubs vont proposer un classement et via un partenariat avec une room online offrir aux vainqueurs des packages ou tickets de tournois. Pour autant, il n’y a ici aucun assouvissement brut, pas d’instantanéité. Ces joueurs sont en grande majorité par ailleurs joueurs online (+98% me parait réaliste), ce sont des joueurs qui ne jouent pas pour l’argent (mais quelle honte !).Voilà, ici, je ne vous demanderai qu’une seule chose, pas de respecter l’argent, le billet que vous avez dans votre portefeuille n’a d’autre valeur intrinsèque que de pouvoir acheter un bien nécessaire, et par nécessaire j’englobe le plaisir et le loisir sans lequel la vie n’aurait que peu de sel. Respecter donc, non pas l’argent, mais bien ce qu’il vous permet de faire – et si vous souhaitez me faire un cadeau de Noël avec votre argent, envoyez un mail ici et je vous donnerai l’adresse d’expédition ;).