Le guide complet du Bankroll Management

Le guide complet du Bankroll Management

Le membre WaitWaitW a remporté le concours du meilleur article du mois et remporte 300 PPA à dépenser dans notre boutique. A cette occasion, il nous parle du bankroll management et nous propose un guide complet (CG, SNG, MTT) axé sur les mathématiques.

 

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Préambule sur le Bankroll Management

Si un bon Bankroll management (qu'on appellera BRM à partir de maintenant) est essentiel pour un bon joueur de poker, on trouve finalement très peu d'articles ou vidéos techniques sur le BRM, en dehors du traditionnel « Bankroll aggro : 20 caves de la limite, bankroll safe, 50 caves ; pour les plus haute limite considérer 30 caves en BRM aggro ». Personnellement, j'ai toujours préféré apprendre des formules que des résultats, et comprendre les tenants et aboutissants des choses. Or, je n'ai pas trouvé d'article stratégique expliquant les calculs sous-jacents de la gestion Bankrollienne.
Voulant en savoir plus sur le sujet, j'ai donc effectué quelques recherches. Je profite donc de cet article PA pour vous soumettre le résultat de mes recherches, pour à la fois vous faire partager mes découvertes, et que vous me fassiez profiter de vos remarques.


Un BRM, c'est quoi exactement

Le BRM, c'est la manière dont va on gérer le capital que l'on possède pour le poker, donc les paris que l'on va prendre, les limites que l'on va jouer, les risques que l'on va décider. On va toujours essayer de réunir deux choses dans un bon BRM : minimiser le risque de perdre la totalité de son capital et maximiser le gain que l'on fait. Sauf que dans l'absolu, c'est évidemment très difficile d'allier les deux. En fait, les deux sont d'ailleurs opposées : soit on mise fort, on peut gagner beaucoup donc perdre beaucoup aussi, soit on mise petit, et du coup on minimise ses pertes mais on ne risque pas de gagner énormément.


Quelles variables utiliser pour décider de son BRM ?

Le type de jeu ?

Pas vraiment. Je dis pas vraiment car le type de jeu en lui même n'entre pas dans le calcul du BRM. Par contre, un critère lié au type de jeu (entre autres) entrera dans la composition de la formule magique du BRM, c'est :

La variance

La variance est un des critères qui entrent dans le calcul du BRM. Le seul problème, c'est qu'on a pas la directement la statistique. Ceci dit, on a un moyen détourné de trouver la variance du jeu que l'on fait. En effet, il y a une statistique bien utile qu'on peut avoir assez facilement sur notre tracker : c'est l'écart-type (standard deviation en bon anglais sur notre tracker). Or, (écart-type)²=variance. On a donc trouvé notre moyen de calculer la première variable pour un bon BRM.
De plus, si on n'a pas nous-même les statistiques pour juger l'écart-type, on peut avoir des valeurs standard pour une limite et une jeu donné. Par exemple, d'après les données que j'ai récoltées, un nit en full ring aura une déviation standard de 40 bb/100, quand un LAG en aura 60 ; en Short Handed, un TAG aura 80 quand un LAG en aura 100 ; et en HU un TAG aura 120 quand un LAG aura 150 (n'hésitez pas à commenter ces données, que je sache si elles sont proches de la vérité ou pas).

Le niveau de la partie

Ici encore, ce n'est pas exactement le critère : si on joue en NL1k avec un gain de 10bb/100, on a le même type de BRM que si on est gagnant de 10bb/100 en NL5 (la seule différence qu'il pourrait y avoir serait le risque de ruine qu'on accepte, ou le nombre de down de limite qu'on tolère, mais on y viendra après). Vous l'aurez compris, le second critère principal pour calculer un BRM à son image est :

Le winrate

Évidemment ça peut être assez difficile à calculer, particulièrement quand on sait que sur quelques millions de mains on peut avoir un winrate relativement différent lié à la variance. Par exemple, quand j'ai fait des samples pour calculer les risques de ruine qu'on verra plus tard, j'ai vu une courbe qui avait 1bb/100 et un écart-type de 100 (notre LAG de short handed) être négatif sur 10M mains… Mais bon, il faut faire avec ce qu'on a, et il faudra donc essayer de juger au mieux son winrate estimé.

Le risque de ruine

Comme son nom l'indique, le risque de ruine est le risque de voir tout son capital dilapidé, éparpillé, généreusement ajouté au tapis de son adversaire.
La première chose à savoir, c'est que le risque 0 n'existe pas. Ensuite, comme je l'ai dit précédemment, moins on prend de risque, moins on optimise ses gains. On va donc tenter de prendre le plus de risques possibles sans que ce soit trop dangereux.


Tableaux de Bankroll Management

En Cash Game

Afin de faire des BRM adaptés, il me fallait des données. Au début, je pensais faire appel à la communauté de PA, et puis on m'a conseillé le site pokerdope.com/poker-variance-calculator/. Ce site permet de calculer le pourcentage du temps où l'on va subir un downswing de X caves sur un échantillon. L'échantillon maximum que permet le site est 10M mains. C'est pas mal du tout mais on peut voir quand même des variations assez grandes.
 

bankroll management poker

 

Dans cet exemple, on voit que sur 10M mains (sample de quelqu'un qui jouerait avec un écart-type de 150bb/100 et un winrate de 1bb/100), le premier sample aura des swings jusqu'à 300 caves environ. Sur les 10M mains suivantes, le même type de joueur pourrait avoir subit des downs de 750 caves (!) et aura d'ailleurs été down de 750+ caves plus de 16 % du temps ! Comme il y avait des différences assez notables, pour chaque winrate et chaque écart-type, j'ai fait 5 samples de 10M mains et j'ai fait le moyenne des downs (comme ci-dessous, exemple d'un winrate de 5bb/100 et écart-type de 60bb/100).

Bankroll management poker


Ensuite, j'ai tout mis en tableau pour montrer la bankroll qu'il faudrait si l'on veut, sur le long terme, risquer de down 1, 5 ou 10 % du temps.
Les voici :

bankroll management poker

Je mets aussi le tableau lié à la formule de Kelly, qu'on verra plus tard, afin que tous les tableaux soient ensemble.

bankroll management poker


Pour lire les tableaux, vous prenez le winrate que vous pensez mériter, l'écart-type auquel vous êtes soumis (standard deviation sur votre tracker, sinon j'ai mis au début le l'article les écarts-types standards par type de jeu en holdem) et cela vous donne la bankroll qu'il vous faut en cave pour risquer de down (ou être broke si vous n'avez pas prévu le parachute). Par exemple, je joue en CG heads up, je suis tight, j'ai donc un standard deviation de 120 à peu près. Si je pense mériter 5bb/100 sur le long terme et que je veux avoir un BRM bien sécurisé (être 1 % du temps forcé à descendre de limite), je devrais jouer avec 100 caves de BRM. Si je me mets au full ring en live, je ne suis pas habitué et pense donc mériter 3bb/100 en ayant un style bien serré, mais je suis enclin à prendre des risques et perdre ma bankroll 10 % du temps, alors je peux jouer avec 10 caves derrière moi.

Il est à noter qu'on peut, pour limiter le risque de perdre toute notre bankroll, envisager des paliers pour descendre de limite si ça se passe mal, afin de pouvoir jouer à des plus hautes limite sans prendre plus de risque. Pour comprendre cette approche (qu'on utilise tous), prenons un exemple :
Un joueur, qu'on nommera Booba (toute ressemblance avec un coach PA ou un rappeur serait fortuite), joue en NL100 SH en étant LAG, et gagne 10 bb/100. Il ne peut pas envisager jouer la NL50 où son gain horaire serait trop faible pour payer son loyer. Il a donc un BRM tight de 35 caves de la limite, soit 3500€, ce qui l'assure de rester en NL100.
Un fish, qu'on appelera WaitWaitW (toute ressemblance avec moi serait fortuite) décide de mettre 3500€ pour jouer au poker en SH et en étant LAG. Il pense mériter 10bb/100 sur n'importe quelle limite. Il décide d'avoir un BRM aggro qui lui fait risquer de down 10 % du temps, mais veut avoir le même risque de ruine que Booba soit 1 %. Il a 10 % de chances de down, et 10 % à ce moment de subir un 2è down. Avec 2 limite, il risque donc 10 % de 10 %, soit 1 % (ça tombe bien…). Il se garde donc 18 caves de NL50 (900€) si les choses se passent vraiment mal, 18 caves de NL100 (1800€), et shoot la NL200 avec les 800€ que lui autorisent sa roll, soit 4 caves (avec un risque de descendre en NL100 d'à peu près 50%)…
Avec la même Bankroll, selon qu'on s'autorise de descendre ou pas, on aura donc des possibilités de jeu différentes.

A noter que partir sur un BRM et en changer suite à un badrun par exemple, c'est s'être trompé quand on a pensé sa roll. Exemple : un joueur décide de jouer la NL25 SH (il est TAG et gagne 5bb/100) avec 30 caves comme le seuil standard le préconise. Il a donc 750€ de bankroll. Mais il subit un down de 20 caves, et décide de descandre en NL10 avec ses 25 caves de NL10 restantes. Il continue de badrun et 25 caves perdues plus tard, il est broke. Au final, il pensait jouer en NL25 avec 5 % de risques de ruine, mais au final, il a joué avec 25 caves de NL10 + 20 caves de NL20. Il pensait donc augmenter sa bankroll de 1,25€/100 mains (5bb/100 en NL25) avec 5 % de risque de ruine, mais en fait il sacrifiait du gain(1,25€/100 mains pour les 25 premières caves, puis 0,50€/100 pour les 15 % du temps où il subirait un bad run), en réduisant son risque de ruine (15 % de perdre 20 caves en NL25, puis 10 % en NL10) par 3 environ (1,5 % au lieu de 5). Son BRM exact était en fait plus tight qu'il le pensait.


En Sit'n'Go

Pour les Sit'n'Go, je n'ai pas trouvé de site détaillant les downswings comme pour le cash game. Ceci dit, j'ai trouvé un moyen détourné de trouver le risque de ruine par la formule de Kelly, qui est bankroll = comfort * standard deviation^2 / winrate (on y viendra après). Ceux qui ont adapté cette formule au poker nous ont aussi gentiment dit que Risk of Ruin = e^(-2 * comfort). Donc ROR = 1/7^comfort. Si on revient à notre formule en utilisant plutôt le risque de ruine qu'une fraction de Kelly appelée comfort on arrive à : Bankroll = -LOG(ROR)/LOG(7)*(standard deviation^2)/ winrate.
J'en suis donc arrivé à faire des tableaux selon le type de partie et le risque de ruine, en sachant que le standard deviation sera toujours le même à un même type de SnG (1 pour du Heads Up, 1,7 pour du Short Handed et 1,9 pour du Full Ring).

Voici les tableaux :

bankroll management poker


On peut voir qu'avec un ROI décent, la bankroll nécessaire est très petite en SnG Heads Up, tandis qu'en Full ring elle reste assez conséquente, car il y a plus de variance.


En MTT

Le tableau pour le MTT fonctionne comme pour le SnG, mais avec un écart-type de 21 pour un MTT à 1000 joueurs.
 

bankroll management poker


Donc avec un ROI qui paraît assez décent de 50 %, on nous recommande d'avoir à peine 200 BI si l'on souhaite n'être ruiné que 15 % du temps… et il faudrait une bankroll de 5000€ pour jouer des 10€ si l'on veut un risque de ruine de 1 %. Ça montre combien la variance est énorme en MTT.


Un BRM qui optimise le gain selon Kelly

Afin d'optimiser ses gains, un ingénieur, Mr Kelly, qui travaillait dans les télécoms a fait mine de trouver un super système pour « réduire les bruits parasites pour les appels à longue distance » alors qu'il était finalement en train de trouver comment gagner le maximum au tiercé (ce n'est pas l'exacte vérité hein, pour ceux qui veulent connaître l'historique du truc, wiki est votre ami :) ) : « la formule de Kelly ». Cette formule est faite pour maximiser l'espérance de gains. La formule étant celle-ci :
 

bankroll management poker

Mais comme je l'ai dit, cette formule est faite pour les pairs hippiques. Est-elle adaptée au poker ?

Oui et non. Elle est particulièrement adaptée pour le SnG HU, qui entre complètement dans ses critères. Le seul problème étant qu'au poker il y a des paliers. Contrairement aux paris hippiques (où on mise ce qu'on veut), au poker peut jouer 5,10,20 ou 50€, mais pas 27,43€ si Kelly nous dit que c'est l'optimal. Pour le reste, il va falloir un peu adapter la formule, notamment parce qu'il y a de la variance supplémentaire par rapport aux paris binaires : elle ne prend pas en compte des écarts de répartition de gains (par exemple, un MTT à 10€ où on a sur le long terme 50 % de ROI, et qu'on fait en moyenne 20 % de places payées, on n'aura pas 75€ 20 % du temps et 0€ le reste, on aura 20 % du temps une somme comprise entre 10€ et 1000€, ce qui rajoute une (fucking) variance supplémentaire. On ne parle même pas du cash game, où il n'y a pas à proprement parler de ROI.

Les mathématiciens du poker ont donc adapté la formule de Kelly pour qu'elle soit plus facile à mettre en pratique, et on est arrivé à cette équation : bankroll = comfort * standard deviation^2 / winrate. On en arrive donc enfin à notre formule magique qui doit décider de la bankroll qu'on doit avoir !
Eh mais… le winrate est présent comme promis (et il peut représenter à présent à la fois le winrate en bb/100 pour le cash game, ou le ROI pour les SnGs/MTTs), tout comme la variance (le standard deviation²), mais quid du risque de ruine !? Et qu'est-ce que c'est donc que ce « comfort » qui ne veut rien dire ?
Le « comfort » en fait représente l'inverse du pourcentage de Kelly qu'on veut jouer. En effet, souvent les joueurs préfèrent jouer la moitié ou le quart de ce que Kelly recommande, tout simplement parce que même si c'est optimal, ça représente des montées et descentes souvent difficiles à digérer. Du coup ces joueurs sacrifient un peu de profit potentiel au bénéfice d'une sérénité relative. Par exemple, quelqu'un qui jouera comme Kelly préconise aura un comfort égal à 1 ; quelqu'un qui jouera la moitié aura un comfort égal à 2 (il joue 1/2 Kelly, l'inverse de 1/2 est 2). Ainsi, quelqu'un qui jouera 1/4 de ce que kelly préconise aura un comfort de … … … 4, c'est bien ça !

Les BRM selon Kelly sont avec ceux de cash game et SnG. A noter qu'en utilisant Kelly on a toujours un gros risque de down, et il faut donc être capable de monter et descendre les paliers rapidement, sans en être affecté.
 

Un BRM alternatif : MUAD'DIB

Autant vous le dire tout de suite, ce BRM alternatif, est ULTIME sur plusieurs points :
Premier point : son nom. Pas besoin d'épiloguer, son nom est le meilleur nom trouvé pour un BRM. L'auteur a même réussi à trouver une signification pour que ça n'ait pas l'air débile : Moving Up Agressively, Down Defensively, Is Best. Trop la classe !
Deuxième point : Il allie le fun et la sécurité : en « défense », on a suffisamment de buy ins pour avoir un faible risque de ruine, en « attaque », on joue des gros buy ins.

Quand on utilise MUAD'DIB, on va gérer sa bankroll par paliers : à chaque fois qu'on franchit un certain nombre de $, on « level up » et on ne perd plus JAMAIS, JAMAIS, JAAAMAAIIIIIS ce level !

Par exemple, si je pars avec une bankroll de 50$, je suis niveau 1.
je vais jouer les 5€, sauf si j'ai moins de 50€, auquel cas je joue les 1€.
Quand j'atteins 100€, level up ! Je suis niveau 2.
je vais jouer les 10€, sauf si je passe en dessous de 100€, auquel cas je joue les 2€ (et non les 5€).
Quand j'atteins 250€, level up ! Je passe niveau 3.
je vais jouer les 20€, sauf si je retombe sous les 250€ auquel cas je joue les 5€

Et je vais continuer comme ça, en jouant 1/10è de ma roll quand je suis en upswing et 1/50è quand je suis en downswing.

Seuls tout petits mais alors tout petits défauts :
1) Ce n'est pas un BRM optimal. En gros, Kelly aura de meilleurs résultats sur le long terme.
2) Il recommande de se droguer (oui, pour devenir Muad'dib, il faut sniffer l’Épice et c'est une drogue… Bref je crois que ce serait mieux que j’arrête ici mon article).

 

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