Les paires au Texas Hold'em NL 2/2

Les paires au Texas Hold'em NL 2/2

Dans l’article précédent, nous avons déterminé à quelle fréquence nous devions stacker notre adversaire pour pouvoir payer profitablement une sur-relance pré-flop avec une paire moyenne. Malheureusement, l’estimation de cette fréquence de stack est difficile à réaliser en pratique. Nous approchons ici le problème dans l’autre sens. Nous supposons que notre adversaire a un range de sur-relance serré (souvent le cas en pratique), et tentons de déterminer quelle est la taille de tapis effectif restant qui nous permet de payer profitablement. Ce facteur est facile à déterminer à table, ne nécessitant qu’une simple division. Nous allons cette fois utiliser un modèle bien plus réaliste. Les hypothèses pré-flop restent les mêmes que dans notre article précédent (vous relancez au cut-off à R, le Bouton et le Petit Blind passent, le Gros Blind relance à RR. Le stack effectif restant si vous payez la sur-relance est noté Stack). En revanche, nous allons inclure plus de scénarii possibles dans le jeu post-flop.

Tout d’abord, notez que votre adversaire n’effectuera pas toujours un continuation bet. Vous aurez alors l’opportunité de miser, avec une chance de gagner le pot immédiatement. Dans ce cas de figure, votre gain net est de RR + R + 0.5. On notera %CB notre estimation de la fréquence de continuation bet de votre adversaire.

Ensuite, vous ne stackerez pas toujours votre adversaire lorsque vous toucherez brelan (tout comme dans notre modèle initial). Votre gain sera de RR + R +0.5 dans les cas où votre adversaire n’a pas effectué de continuation bet, et de RR + R + CB + 0.5 dans les autres. Où CB représente la taille du continuation bet. On note %Stack le pourcentage des cas où vous arriverez mettre votre adversaire à tapis lorsque vous touchez brelan.

Enfin, vous ne gagnerez pas toujours après avoir touché brelan. On notera %Loss/Brelan le pourcentage des cas où vous perdrez après avoir touché brelan.

Nous nous permettons une hypothèse simplificatrice : votre adversaire ne checkera au flop que s’il prévoit de se coucher contre une mise. Vous répondrez toujours à ce check par une mise gagnant le pot.
En réalité, votre adversaire embusquera une grosse main de temps à autres, coûtant de l’équité à la petite paire. Cela est compensé par les cas où l’embuscade se retourne contre le piégeur, lorsque nous avons floppé brelan, ainsi que par les cas où nous embusquons le brelan est arrivons à extraire plus que le potentiel continuation bet d’une main du type AK ayant raté. Un dernier facteur compensatoire est que nous pourrons voler quelques pots (par exemple lorsque notre adversaire a relancé avec QQ et qu’il vient un As au flop).
Nous ne considérons aucun de ces cas dans notre formule, espérant que ces approximations s’annulent.

Au total, notre équité après avoir payé la sur-relance est la suivante :
E = -(1-%Set) * (RR-R) + (%Set) * { (1-%CB) * (RR + R + 0.5) + %CB *[ (1-%Stack) * (RR + R + 0.5 + CB) + (%Stack) * ((1-%Loss/Brelan) * (RR + R + 0.5 + Stack) – (%Loss/Brelan) * (RR – R + Stack))] }

Nous arrivons avec une formule pour le moins indigeste. Le but n’est bien évidemment pas d’effectuer le calcul de la formule précédente à table, mais plutôt de connaître les résultats pour quelques cas classiques.
Pour cela, nous devons nous livrer à une estimation des différents paramètres de notre équation.

%Set : nous supposons ici que notre adversaire a un range de sur-relance serré, et donc qu’il ne détient aucun de nos outs en main. Notre probabilité de toucher brelan est alors de 12.23%.
%CB : dans une partie agressive, après une sur-relance pré-flop, 70% semble une estimation réaliste de la fréquence de Continuation Bet.
% Stack : lorsque le range de notre adversaire est serré, il aura souvent une grosse paire en main, et peut de toutes façons toucher une grosse paire au flop s’il a sur-relancé avec une main du type AK. 50% me semble donc être une bonne estimation de ce paramètre.
%Loss/Brelan : un paramètre difficile à estimer. Lorsque vous avez brelan contre une over paire, votre adversaire a encore environ 9% de chances de gagner. S’il a une paire splittée, il n’a qu’un peu moins de 2% de chances de gain. En revanche, vous serez de temps à autre déjà battu au flop (brelan contre brelan, ou contre quinte ou couleur), ou face à un tirage couleur ou quinte. Au total, 10% semble être un chiffre correct pour ce paramètre.
CB : pour la taille du Continuation Bet, nous utilisons une taille de 1.5 * RR, soit environ 75% du pot.

Exemple : vous relancez de 3.5BB, l’adversaire relance de 11BB en grosse blind, avec les hypothèses qu’il fait un continuation bet dans 70% et que vous le mettez à tapis dans 50% il faut qu’il ait 121BB derrière pour justifier de payer profitablement.


Si l’on remplace %CB de 70% par %CB = 50% il faut alors 176BB et si l’on remplace %Stack de 50% par %Stack = 33% il faut 171BB.

Ce tableau appelle un commentaire immédiat : la plupart des tailles de sur-relance « classiques » donnent un résultat similaire en termes de Ratio STB, et celui-ci se trouvera quelque part entre 15 et 17.

Notez également, que plus la taille de votre relance initiale est élevée, moins votre STB ratio sera élevé après la relance de votre adversaire. La taille de votre tapis  est donc un facteur à prendre en compte lorsque vous déterminerez la taille de votre relance initiale.

Plus la taille de la sur-relance est élevée, plus le Ratio STB correspondant sera élevé. C’est un résultat logique, qui a une application pratique immédiate. N’hésitez pas à augmenter la taille de vos sur-relances lorsque vous êtes de Gros Blind, et que vous avez une bonne main. Cela rend les calls adverses avec des petites paires moins profitables en moyenne, sans pour autant dévoiler votre main (car de nombreux joueurs tendent à interpréter de grosses relances pré-flop comme un signe de faiblesse). De plus, hors position au flop vous n’êtes pas mécontent de gagner le coup de suite ou du moins faire payer la faute à votre adversaire de payer avec une mauvaise cote.

L’équation ci-dessus confirme que les pires adversaires à affronter dans ce cas de figure (lorsque vous avez la paire) sont les joueurs loose-agressif qui sur-relancent beaucoup avec des mains plus ou moins marginales et donc ratent complètement le flop assez souvent. En effet, ils génèrent un %Stack bien moins élevé qu’un joueur tight, et même la probable augmentation du %CB ne suffira pas à compenser ce facteur.

Finalement, les estimations des paramètres sont basées sur des parties plutôt difficiles. N’hésitez pas à rentre cette formule dans Excel et à adapter ces paramètres afin de mieux refléter les conditions de votre partie.

Conclusion : cet article nous a permis de déterminer à partir de quelles valeurs du Ratio STB un joueur détenant une petite paire peut profitablement payer une sur-relance pré-flop provenant d’un joueur serré. Cette valeur se situe aux alentours de 16.
Dans cet article, nous avons supposé que le joueur ayant la paire avait la position.
 Il se peut, mais nous l’avons négliger par simplicité, que vous pouvez éventuellement payer un  continuation bet  qui vous semble fébrile afin de voir si votre adversaire poursuit au turn et essayer de lui voler le coup même si vous ne touchez pas votre brelan s’il checke au turn. Cette stratégie dite du « floating » en position nécessite une certaine expérience et une bonne connaissance de l’opposition…mais elle sera indispensable aux tables aux limites les plus élevées…
Enfin, la position est un facteur critique dans la mesure où il vous sera bien plus difficile de stacker un adversaire lorsque que vous êtes hors-de-position. Il vous faudra un Ratio SB bien plus élevé pour justifier un call dans ce cas de figure. Cependant, contre les joueurs surévaluant les mains comme top paire top kicker ou une over paire faible, le call peut être profitable même avec STB pas plus élevé, et donc l’observation joue un rôle important.
On se saurait trop vous recommander d’observer vos adversaires sur leurs « betting patterns » pré-flop et au flop ce qui vous permettra d’ajuster notre modèle aux bonnes conditions observées.

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