Les lois fondamentales de la stupidité humaine appliquées au poker

Les lois fondamentales de la stupidité humaine appliquées au poker

Découvrez quelle est la différence entre un intelligent, un bandit, un crétin et un stupide, et pourquoi la stupidité de vos adversaires peut vous nuire, jusqu'à rendre Ev- un move GTO.

Les lois fondamentales de la stupidité humaine

Les lois fondamentales de la stupidité humaine est un court ouvrage, d’une soixantaine de pages, écrit en 1976 par Carlo M. Cipolla, un universitaire italien spécialisé dans l’économie. Avec un délicieux cynisme, l’auteur divise l’humanité en quatre grandes catégories :
Les intelligents, qui pratiquent les relations gagnant/gagnant.
Les bandits, qui pratiquent les relations gagnant/perdant.
Les crétins, qui pratiquent les relations perdant/gagnant.
Les stupides, qui pratiquent les relations perdant/perdant.

Très plaisant à lire, le pamphlet reste néanmoins très théorique, alors que les exemples concrets ne manquent pourtant pas. Nous allons d’ailleurs voir comment nous pouvons appliquer la classification de Cipolla aux joueurs de poker.

La stupidité au poker

Le poker, pratiqué sans rake, étant un jeu à somme nulle, il peut sembler à première vue qu’il n’existe que deux catégories de joueurs : les bandits, qui jouent gagnant/perdant et les crétins, qui jouent perdant/gagnant. Cela est vrai à deux joueurs. Mais à partir de trois joueurs, il existe  des cas où l'on peut faire preuve d’intelligence, ou de stupidité.

Imaginons un SNG 6-max à la bulle, chacun des 3 joueurs a ⅓ des jetons. Un joueur se déconnecte et comme il s’agit juste d’un exemple théorique, on suppose que les joueurs restant savent qu’il ne se reconnectera pas.
Une stratégie intelligente, c’est à dire gagnant/gagnant pour les deux qui restent est de se mettre d’accord pour prendre tout le stack du malheureux 3ème, blind par blind. “Ce tour-ci tu lui prends petite et grosse blind, au tour d’après ça sera à moi”. Ce faisant, les deux joueurs sont sûrs à 100% d’avoir le 2ème prix et jouent pour le 1er à une chance sur deux.
Mais un des deux joueurs peut décider de faire le bandit et de raise à chaque main. Il espère ainsi une relation gagnant/perdant, en se disant que l’autre joueur ne va pas prendre le risque de l’affronter et finir à la bulle alors qu’il a le 2ème prix assuré en se couchant à chaque main.
Selon le niveaux des blinds et la structure des prix, le deuxième joueur ne devrait théoriquement pas coucher certaines mains. Mais la propension à la vengeance est telle que face à un bandit, le deuxième joueur risque de partir en tilt, relancer à son tour beaucoup de mains et prendre le risque de finir à la bulle dans l’espoir de faire perdre le bandit.
Alors que les deux joueurs auraient pu avoir une relation intelligente, ils sont dans une logique perdant/perdant, c’est à dire stupide.

Un autre exemple est un Double or Nothing à la bulle. Vous êtes de petite blind avec 4BB, la grosse blind a aussi 4BB et tous les autres joueurs n’ont plus que 1 BB et se sont couchés.
En théorie, vous pouvez (devez !) push any two, et la grosse blind devra toujours se coucher. Push est le move GTO et vous avez raison de faire le bandit. Si Vilain décide de call, avec n’importe quelle main, il fait une erreur car cela ruinerait son équité. Mais ce faisant, il ruine aussi la vôtre ! Bref, vous faites all-in à l’aveugle, il call à l’aveugle, les autres joueurs jubilent, et vous avez autant de chance que lui d’être victime de sa stupidité.

De manière générale, la stupidité remet en question le jeu GTO à 3+ : si un de vos adversaires est stupide, un move GTO peut devenir Ev-. 

Cela rejoint la conclusion de Cipolla : on peut lutter contre les bandits car ils sont rationnels et donc prévisibles, mais on ne peut pas faire grand chose contre quelqu’un de stupide car leur irrationalité nous surprendra toujours.

Avec une certaine dose d’ironie, on peut considérer que l’augmentation du niveau de ces dernières années est la conséquence de la stupidité générale. Rappelez-vous en 2006/2007, la belle époque où il suffisait de s’entraîner un peu pour gagner un peu, s’entraîner beaucoup pour gagner beaucoup, et s’entraîner énormément pour gagner énormément. Maintenant, les joueurs ayant en moyenne tous progressé, il faut s’entraîner beaucoup pour gagner peu et s’entraîner énormément pour gagner beaucoup. Autrement dit, l’augmentation du niveau s’est traduite par un “travaillons plus pour gagner moins”, un comportement perdant/perdant, c’est-à-dire stupide. A l'époque, on aurait mieux fait de se mettre collectivement d'accord pour que personne ne s'entraîne...

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