Un week-end stoïque

(Première partie)
Le week-end du 9-11 avril dernier, j’ai participé au Deepstack Chili Poker à Aix-en-Provence. L’occasion pour moi de joindre l’utile à l’agréable car la moitié de ma famille habite du côté de Saint-Rémy de Provence.
J’emmène donc mes trois femmes avec moi pour un week-end familo-pokeristique qui s’annonce particulièrement ensoleillé.
Et là… la grosse boulette. M’étant inscrit plus d’un mois avant l’événement, je n’avais pas calculé que les dates du tournoi coïncidaient avec le Master d’Augusta. Autant vous le confesser tout de suite : le golf est une véritable passion et je n’ai pas loupé un Masters depuis dix ans. Je suis en outre un inconditionnel de Phil Mickelson, ce gaucher flamboyant au petit jeu magique, et accessoirement n°2 mondial derrière qui vous savez.
Je colmate les brèches en bookant un hôtel avec Canal+ et en emmenant mon netbook avec moi, histoire de ne rien rater du tournoi, lequel a lieu en fin de soirée, décalage horaire oblige. Ce qui me mine vraiment, c’est que j’ai réservé pour le retour un ITGV dimanche soir, en plein pendant la retransmission du dernier tour. Et que les billets ne sont pas échangeables ! Grrrr…

Bref. Malgré les grèves, notre TGV part à peu près à l’heure le vendredi matin mais arrive en retard (il devait avoir vent de face). Les bads beats vont s’enchaîner rapidement durant cette journée. Le comptoir Hertz où j’ai réservé ma voiture de location se joue visiblement en Full Ring et il me faut une grosse demi-heure pour obtenir mes clés. Je dépose ma petite famille en centre-ville et fonce vers le Pasino d’Aix où, évidemment je ne trouve aucune place de stationnement. Le tournoi a débuté depuis ¾ d’heure maintenant et j’opte, en désespoir de cause, pour une place de livraison. Je reviendrai la garer après le premier break du tournoi. En regardant ma plaque d’immatriculation (qui commence par 684 AK…), je ne peux m’empêcher de penser que sur un flop aussi drawy, le continuation bet ne s’impose pas forcément.

Je suis visiblement l’un des derniers arrivants. Les organisateurs ont vu les choses en grand et la salle de spectacle du Pasino accueille 500 participants pour ce tournoi au buy-in de 500 euros. Le tapis de départ est très profond (500 BB !) et les rounds durent une heure. En fait, j’aurais presque pu arrivé trois heure après, cela n’aurait pas changé grand-chose ! Je reconnais de nombreux visages familiers autour de moi.
Après le premier break, je retourne à ma voiture, histoire de chercher une meilleure place. Je me suis rendu compte entre temps qu’il y avait un parking souterrain de l’autre côté du Pasino. Evidemment, une contravention est négligemment plaquée sur mon pare-brise. Déjà que je suis tricard chez Avis pour ne pas avoir payé une contredance de 200$ à New York il y a quelques années (pour ceux qui connaissent la ville, j’avais tenté un audacieux coup de poker en me garant juste devant le Museum d’Histoire Naturelle, entre deux cars). Je me console en me disant qu’ici, vu le montant de l’amende, c’est comme si j’avais relancé au bouton avec une poubelle, et qu’un short stack m’avait 3-betté derrière.

Un petit mot sur le tournoi. La mode est désormais aux tournois deepstack. Ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi, de nombreux tournois se réduisant à des concours de push or fold au bout de quelques rounds.
Mais deepstack ne signifie pas forcément belle structure. Que vous débutiez à 500 ou 200 BB, cela ne va pas changer grand-chose. La plupart des joueurs vont rarement mettre en jeu un tel tapis d’entrée, à moins de tomber sur un énorme fish ou un gros set up. Du coup, les premiers niveaux se jouent un peu pour du beurre.
J’y reviendrai probablement plus en détail dans un autre article, mais le gros problème des tournois à mes yeux, c’est que la part de la chance devient de plus en plus importante à mesure que l’on avance dans le temps. Le pire étant la finale. Alors que l’on a ramé de nombreuses heures ou plusieurs jours pour en arriver là, et alors que les plus grosses sommes sont en jeu, les tapis sont généralement tellement réduits que, la part du bol est disproportionnée par rapport au talent propre à chaque joueur. En d’autre terme, il vaut clairement mieux être un joueur faible chanceux qu’un bon joueur poissard à ce moment précis.
L’une des solutions pour réduire le côté aléatoire des tournois serait, à mes yeux, d’ajouter de la profondeur aux tapis lors des finales, plutôt que de donner plus de jetons au départ. Je crois que l’an dernier, lors des EFOP à l’ACF, cela avait été expérimenté : les finalistes étaient revenus deux ou trois niveaux en arrière, ce qui avait rendu le jeu plus deep. Et donc plus intéressant.
Ludovic Lacay avait écrit l’an dernier sur son blog que « les tournois, c’est comme le loto, sauf que les meilleurs joueurs peuvent cocher un ou deux numéros en plus ». Autre citation qui me plaît bien, celle de Daniel Negreanu : « Il faut amasser les jetons en début de tournoi. Ce sont les tickets pour la grande tombola qui a lieu en finale. »

C’est donc avec cet état d’esprit que j’entame mon tournoi. Assis à une table très (trop) tight malgré la profondeur des tapis, je joue très loose et 3-bet beaucoup. Je réussi même un 3-barrel bluff « basoulesque » (un overbet à la river) après un 3 bet preflop. Une dizaine d’heure de jeu plus tard, mon tapis a triplé non sans avoir fait le yo-yo, ce qui n’est finalement pas si mal vu qu’il s’agit d’une épreuve deepstack.
Mon changement de table scellera mon destin une heure plus tard. Avec 90 BB de profondeur, je suis le chip leader de la table en compagnie de mon voisin de gauche, qui a des faux airs de l’acteur Forest Whitaker. Plutôt sympa au demeurant, celui-ci semble assez loose et surjoue fortement ses mains.
Il est 2 heures du matin. UTG, Forest relance standard. Tout le monde fold jusqu’à ma pomme qui, avec T9s au Big Bling, décide de caller. Le flop KJQ permettra au croupier de me foutre la honte devant tout le monde en hurlant « un sortaaannnt !!! »… car Forest avait AT.

Je profite donc de ma journée de samedi pour voir oncles, tantes et cousins. Et ma nuit pour vibrer devant le Masters. En plus, il y a des raisons de s’enflammer. A l’issu du 3e tour, Mickelson est deuxième et Woods troisième. Tout va se jouer dimanche soir, lors d’un dernier tour qui s’annonce électrique. Et je vais tout rater parce que je serai dans le train ! Je m’endors en rêvant d’un train qui vole.
Le dimanche matin, au petit déjeuner, je ne slowplay pas. J’annonce à ma femme qu’en raison des perturbations à la SNCF, il vaut mieux rentrer dès cet après-midi et prendre un train plus tôt. On ne sait jamais. Elle me 3-bet illico. « Je ne comprends pas comment tu peux écourter un week-end juste pour du golf », me lance-t-elle, cinglante. Sacrebleu ! Comment peut-elle aussi bien lire dans mon jeu ? J’étais à ce point face up ? Mon rythme cardiaque s’accélère. Je suis en tilt. J’insta shove très light en rétorquant : « Mouais… Et moi je ne comprends pas comment tu peux passer une heure et demi dans un magasin de chaussure…! ».
Elle hésite quelques secondes, qui me paraissent interminables. Et décide de folder en soupirant. Ouf ! (la suite ce soir).

t’es trop fort Mizar, tu vas vite entrer dans le top de mes auteurs préférés!
En attendant la suite de tes aventures:)

Je paye pour voir…la suite :wink:

Merci Mizar! Comme d’habitude, bien écrit et décrit! Vivement la suite :stuck_out_tongue:

Sympa ce petit récit même si la move qui te permet te faire folder ta femme à la fin est un peu border line…:stuck_out_tongue:

DrGonzo wrote:

jamais réussi, j’ai fini par changer de room:)

DrGonzo wrote:

Un peu plus et tu étais Hors Limite :D:D:D

Que du lourd…^^

  • 1

Je paye avec “72” pour voir la suite…:stuck_out_tongue:
C’est kdo

J’adore!

mais c’est presque une faute professionnelle que d’oublier le master :wink:

[quote]Un petit mot sur le tournoi. La mode est désormais aux tournois deepstack. Ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi, de nombreux tournois se réduisant à des concours de push or fold au bout de quelques rounds.
Mais deepstack ne signifie pas forcément belle structure. Que vous débutiez à 500 ou 200 BB, cela ne va pas changer grand-chose. La plupart des joueurs vont rarement mettre en jeu un tel tapis d’entrée, à moins de tomber sur un énorme fish ou un gros set up. Du coup, les premiers niveaux se jouent un peu pour du beurre.[/quote]

Enfin quelqu’un qui comprend !!!
Combien de fois je me suis battu pour expliquer ça !
Si ça t’intéresse j’ai écrit des articles sur le sujet, je peux te les passer pour le tien.

Génial Mizar !

Toplé nous fait pas trop attendre pour nous envoyer la suite :slight_smile:

John T. Chance wrote:

[quote][quote]Un petit mot sur le tournoi. La mode est désormais aux tournois deepstack. Ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi, de nombreux tournois se réduisant à des concours de push or fold au bout de quelques rounds.
Mais deepstack ne signifie pas forcément belle structure. Que vous débutiez à 500 ou 200 BB, cela ne va pas changer grand-chose. La plupart des joueurs vont rarement mettre en jeu un tel tapis d’entrée, à moins de tomber sur un énorme fish ou un gros set up. Du coup, les premiers niveaux se jouent un peu pour du beurre.[/quote]

Enfin quelqu’un qui comprend !!!
Combien de fois je me suis battu pour expliquer ça !
Si ça t’intéresse j’ai écrit des articles sur le sujet, je peux te les passer pour le tien.[/quote]

c’est pour ca que je prefere les turbo avec structure rapide

Classe! merci beaucoup c’est toujours un régale à suivre!!

akilius wrote:

[quote]John T. Chance wrote:

[quote][quote]Un petit mot sur le tournoi. La mode est désormais aux tournois deepstack. Ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi, de nombreux tournois se réduisant à des concours de push or fold au bout de quelques rounds.
Mais deepstack ne signifie pas forcément belle structure. Que vous débutiez à 500 ou 200 BB, cela ne va pas changer grand-chose. La plupart des joueurs vont rarement mettre en jeu un tel tapis d’entrée, à moins de tomber sur un énorme fish ou un gros set up. Du coup, les premiers niveaux se jouent un peu pour du beurre.[/quote]

Enfin quelqu’un qui comprend !!!
Combien de fois je me suis battu pour expliquer ça !
Si ça t’intéresse j’ai écrit des articles sur le sujet, je peux te les passer pour le tien.[/quote]

c’est pour ca que je prefere les turbo avec structure rapide[/quote]

Si c’est sarcastique, relis ce qu’il a écris, il ne parle pas de vitesse mais de profondeur.

Soit dit en passant, je ne suis pas d’accord avec la suite de son propos sur la chance en fin de tournoi.

La plus grosse partie de l’edge d’un joueur de MTT se situe entre 10 et 40BB, de même que la plus grosse partie de l’edge d’un joueur de STT se situe en dessous de 10BB, alors que l’edge d’un joueur de cash game s’exprime à 100BB.

John T. Chance wrote:

[quote][quote]Un petit mot sur le tournoi. La mode est désormais aux tournois deepstack. Ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi, de nombreux tournois se réduisant à des concours de push or fold au bout de quelques rounds.
Mais deepstack ne signifie pas forcément belle structure. Que vous débutiez à 500 ou 200 BB, cela ne va pas changer grand-chose. La plupart des joueurs vont rarement mettre en jeu un tel tapis d’entrée, à moins de tomber sur un énorme fish ou un gros set up. Du coup, les premiers niveaux se jouent un peu pour du beurre.[/quote]

Enfin quelqu’un qui comprend !!!
Combien de fois je me suis battu pour expliquer ça !
Si ça t’intéresse j’ai écrit des articles sur le sujet, je peux te les passer pour le tien.[/quote]

Oui John, balance, ça peut m’intéresser.
De même, quand tu écris que l’edge d’un joueur de STT est le plus fort en dessous de 10 BB, peux-tu développer ?

Je ne suis pas trop un expert en STT, mais c’est beaucoup un jeu où tu attends d’avoir moins de 10BB pour entrer en push/fold, et les gains en STT se font quand on maîtrise l’ICM quand on est dans cette zone. Bien sûr en petite limite une grosse partie de l’équité de ces tournois vient des joueurs qui jouent trop loose au début et de font éliminer prématurément. Mais comme il est de mise d’être tight au début, on ne monte pas très souvent un gros stack et c’est cette faculté à prendre les bons spots quand on est short qui fait un joueur gagnant je pense.

C’est même encore pas mal le cas en SNG à 18 joueurs.

J’aimerais bien l’opinion de Ratounet et Canonbis là-dessus.

Oui, je comprends ce que tu veux dire. Mais ça reste tout de même, quoi qu’il arrive, un edge terriblement limité, qui ne s’exprime véritablement que sur le long terme.
C’est mathématique, mais plus les tapis sont profonds, plus l’edge d’un bon joueur sur un fish va être immédiatement profitable (sur du plus court terme).

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle un joueur qui a un edge sur ses adversaires le fera fructifier bien davantage en cash game (où les tapis sont en moyenne plus profonds) qu’en tournoi. Et outre la profondeur des tapis, le cash game inclut une dimension psychologique qui permet de développer un edge supplémentaire : un joueur qui tilte en tournoi ne va perdre que son buy-in ; un joueur qui tilte en CG peut se recaver autant qu’il le souhaite et perdre énormément…

(Deuxième partie)
J’ai un grand respect pour le champion qu’est Tiger Woods. J’ai toujours été plus dubitatif en ce qui concerne le personnage. Rien à voir avec ses frasques récemment surmédiatisées. A ce sujet, j’ai toujours été effaré qu’on puisse juger la valeur d’un homme en fonction de sa fidélité ou de ses infidélités conjugales. Et le puritanisme des Américains sur ce plan est assez ahurissant vu d’ici.
D’abord, c’est avoir une bien piètre idée de la fidélité que de la limiter à une histoire de sexe. Ensuite, je rappelle toujours qu’Adolf Hitler était fidèle à Eva Braun (les historiens se disputent même encore pour savoir si ces deux-là avaient une sexualité), alors que Jean Moulin partageait sa vie affective entre trois femmes. Et, puisqu’on parle des Américains, George W. Bush n’a jamais été pris la main dans le sac, tandis que Bill Clinton ou John Fitgerald Kennedy étaient d’instatiables queu… coureurs de jupon. Pourtant, ils n’ont pas laissé la même trace dans l’Histoire.
Non, ce que m’a toujours gêné - et je ne suis pas le seul - chez Tiger Woods, c’est son agressivité mal maîtrisée, sa grossièreté sur les parcours (il jure souvent), son manque flagrant d’humilité (compréhensible toutefois lorsqu’on est le meilleur joueur de tous les temps), sa volonté de vaincre à tout prix, voire d’humilier ses adversaires, ou encore sa froideur envers le public et ses fans (il refuse de signer les autographes). Un gars comme Federer, son alter ego au tennis, a je trouve infiniment plus de classe.
Le n°5 Français, François Delamontagne, m’a un jour raconté une anecdote. Il y a cinq-six ans lors d’un gros tournoi à Dubaï auquel il participait, il avait été voir Tiger Woods, lequel s’entraînait sur le putting green. Un bout de papier et un stylo à la main, il s’est présenté et à demandé un autographe au n°1 mondial, en lui expliquant que cela ferait plaisir à son môme. Woods a grifonné le bout de papier et lui a rendu sans un mot… ni un regard.
De son côté Phil Mickelson a eu la douleur d’apprendre l’an dernier que sa femme souffrait d’un cancer. Un mois plus tard, il apprenait que sa mère était également touchée par cette terrible maladie. Du coup, forcément, on ressent un minimum d’empathie pour le gars. Inutile de vous dire que la grande majorité des Américains étaient derrière lui, pour cette dernière journée du Masters. Et pas que les Américains…

Mais bon, quittons cette interminable parenthèse historico-golfique et revenons à notre dimanche soir. Lorsque le dernier tour commence, je sais d’avance que je vais vivre passionnément l’événement, et que l’adrénaline sera au rendez-vous. Comme lorsque je joue au poker. Je décide donc d’adopter la même attitude qu’à une table de poker et de m’inspirer de la philosophie que ce jeu m’a poussé, progressivement, à développer. Car il s’agit, pour le coup, véritablement de philosophie. En l’occurrence : rester stoïque, si le résultat n’est pas au rendez-vous.
Lorsque j’ai débuté le poker, il y a maintenant quatre ans, je venais des Echecs. En d’autres termes, je suis passé d’un jeu où le facteur chance était infinitésimal à un jeu où le bol tient un rôle prépondérant sur le court terme (mais tend à disparaître sur le long terme). Je vivais extrêmement mal les bad beats et ressentais un très frustrant sentiment d’injustice. Or, le poker est un jeu où il faut faire face en permanence à des sentiments de ce genre. C’est ce qui le rend si violent d’un point de vue psychologique. Surtout si l’on y joue quasi quotidiennement.
Le stoïcisme est l’un des courants majeurs de la philosophie grecque antique. L’un des socles de la pensée des stoïciens consiste notamment à distinguer ce qui dépend ou pas de nous. (Marc Aurèle : “Ce qui dépend de toi, c’est d’accepter ou non ce qui ne dépend pas de toi.” ) . Epictete résume lui aussi parfaitement le truc lorsqu’il écrit : “Agis sur ce que tu peux modifier et accepte ce que tu ne peux pas modifier, voici le secret de la sagesse.”
Evidemment, on voit immediatement en quoi cet état d’esprit s’applique directement au poker. Ce qui dépend de nous, c’est le fait de prendre la meilleur décision, d’overlpayer son adversaire, de lire son jeu, etc… Ce qui ne dépend pas de nous, ce sont les cartes qui tombent et qui, parfois, peuvent s’avérer cruelles.
Dans le même ordre d’idée, les philosophes grecques distinguaient le “skropos” du “telos”. “Ouh là là, ça se complique” vous dîtes-vous peut-être en lisant ces lignes, "je préférais le passage où il se prend une contravention ou bien celui où il se fait 3 better par sa femme. Déjà qu’il nous gonfle avec son golf… ". Ce n’est pourtant pas si compliqué que ça. Il ne s’agit pas du nom des méchants dans Goldorak. Le “skropos”, c’est le but. Le “telos”, c’est la finalité, ou plus précisément l’action en vue d’une finalité.
Soit un archer, qui vise le centre de la cible. Son skropos, c’est de planter la flèche en plein milieu. Son telos, c’est plutôt de tout faire pour que la flèche atteigne la cible. Utiliser le meilleur matériel possible, avoir le geste technique le plus performant, bien respirer, se concentrer… Après, peu importe si un coup de vent empêche la flèche d’aller droit dans le mile. L’essentiel est ailleurs : c’est d’avoir fait le maximum pour atteindre son objectif, indépendamment des élements qui nous sont extérieurs.
Au poker, le skropos, c’est gagner le pot. Le telos, c’est faire son maximum, pousser son adversaire à l’erreur afin de rafler la mise. Après, tant pis si les cartes ne me sont pas favorables, cela n’est plus de mon ressort.
Evidemment, pour la sagesse antique, le telos supplante le skropos.

Toutes ces heures et ces heures passées à grinder sur le Net m’ont beaucoup appris sur moi-même. Et ne m’ont pas été inutiles. Elle m’ont permis de gérer au quotidien des situations stressantes, de mieux contrôler mes sentiments (notamment négatifs), d’accepter plus facilement les aléas, les frustrations, les injustices. De me détacher du résultat final pour me concentrer sur mes propres performances. Cela a eu du coup un impact positif sur ma vie quotidienne. Car lorsqu’on fait face tous les jours à des situations stressantes, frustrantes ou injustes, on appréhende plus facilement les mêmes situations dans la vie de tous les jours, on développe une forme de zénitude. On relativise plus facilement aussi.
L’une des techniques que j’ai également développé pour contrer le caractère impitoyable de ce jeu consiste à relativiser les bad beats, les mauvaises passes, les inévitables downswings. D’être froidement rationnel dans ces moments précis. Après tout, cela fait partie du job. Tout le monde est passé, passe ou passera par là. C’est inévitable et il faut l’accepter (de toute façon on n’a pas le choix). Il est vrai qu’avec le temps, l’expérience, le fait d’avoir vécu ces situations désagréables une multitude de fois… cela devient plus facile à digérer.
A contrario, lorsque je traverse une bonne période, que moi aussi je suckoute mes adversaires, que les dieux du poker me sourient… eh bien, je savoure pleinement les sentiments positifs que je peux alors ressentir. Je ne relativise surtout pas. Je profite. Cela me permet d’avoir un ressenti global plus positive du poker. De prendre à revers notre instinct naturel qui fait qu’on a tous tendance à etre marqué plus facilement par un bad beat que par un coup de pot.

Ah oui, au fait, c’est Mickelson qui a finalement gagné le tournoi, remportant ainsi son quatrième tournoi du Grand Chelem.Peut-être sa plus belle victoire. L’étreinte qu’il a eu apres son putt victorieux avec son caddy, puis surtout avec sa femme, a ému toute l’Amérique. Et pas seulement.
Je dois vous avouer que je n’ai pas du tout relativisé ce moment là. J’aurais pu, car après tout, il s’agit juste de foutre une balle dans un trou. Il y a pas de quoi en faire tout un plat. Mais non. Pourquoi réfréner sa joie ? J’ai eu la glotte. J’ai même, moi aussi, versé quelques larmes…

PS:
Pour les curieux ou les fans de golf, un montage de la dernière journée de Mickelson, avec une musique du Dernier des Mohicans. ET au 2/3 de la vidéo, le coup du siècle à Augusta (190 mètre derrière les arbres sur un par 5)

Les toutes dernières minutes du tournoi, sur la télé américaine:

Un joueur qui tilte en tournoi ne va perdre que son buy-in ; un joueur qui tilte en CG peut se recaver autant qu’il le souhaite et perdre énormément…

Oui, et Non :

Si tu tilt en TF, et que tu perds, tu vas perdre un peu plus que ton buy-in …

ça dépend comment on voit les choses :whistle:

Ceci dit, sur la variance je suis entièrement d’accord, la variance est la plus grande là où il y a le plus à gagner c-à-d à la fin quand on est short ou très short car même si on arrive en TF avec 40% des chips en ayant mal-mené les tables en milieu de tournois, contre souvent des tapis à 10-15BB ( souvent 7/8% des chips ) on peut prendre deux ou trois sales coup et bust ou être très mal …