Je suis globalement d’accord avec toi.
Ceci dit je ne vais te contredire sur deux points.
Le jeu préflop et au flop est peut-être plus important en MTT que les autres streets. Néanmoins, ça ne veut pas dire qu’il faut jouer de manière stéréotypée. Le jeu préflop change sans cesse en MTT. N’importe quel petit changement dans la situation fera que je serais plus enclin à raiser 2.5BB ou 3BB ou 3.5BB ou all in, ou me coucher… Bref le jeu préflop est beaucoup plus subtil en MTT qu’en cash game et il est tout sauf automatique parce qu’il y a beaucoup trop de paramètres qui entrent en jeu. En STT c’est également le cas, il suffit de voir à quel point l’ICM est contre intuitif.
Quant au jeu postflop il n’est pas non plus inexistant. Je suis convaincu que mes plus gros progrès en MTT ne sont pas dûs à mon jeu préflop mais à mon travail sur des aspects postflop, en particulier le pot control au flop, le second barrell bluff, le value bet marginal à la river (eh oui, j’ai gagné énormément de valeur en MTT à faire des value bet à la river avec des mains que le joueur lambda aurait checké pour la showdown equity).
Par ailleurs, le moment où le jeu préflop devient prédominant en MTT c’est quand on est en mode survie « push or fold ». Il y a certes de la valeur à prendre en jouant parfaitement à ce moment, mais c’est en fait très marginal, car si l’on est en mode push/fold, trois choses peuvent advenir :
-On perd et on a beau avoir joué parfaitement, on n’a pas pris de value.
-On double notre tapis, et on est soit à l’abri et on peut développer un autre jeu pendant au moins un temps, en espérant avoir d’autres occasions de faire des jetons pour ne pas revenir dans la zone rouge, soit on est toujours en mode survie.
-Personne ne call nos all ins et on maintient notre stack, voire on le grossit peu à peu. Dans ce cas peu importe notre main puisqu’on vole le coup.
Donc finalement maîtriser le jeu push/fold quand on est shortstack n’a que peu d’influence sur nos gains.
En fait je crois que ce qui peut frustrer un joueur de cahs game, ce n’est pas ne pas pouvoir développer son jeu postflop, c’est tout simplement que les streets se jouent toutes différemment et que si tu cherches à les jouer comme tu les jouerais en cash game, ça ne marchera pas.
L’inverse est vrai. Il y a quelque temps, on avait fait une session de cash game avec le groupe de travail full tilt et quand on a discuté des mains par la suite, j’ai découvert pleins de leaks évidents dans mon jeu de cash game. A commencer par préflop où je relançais 3BB qui est plus que standard en tournoi et qui m’a-t-on dit est incorrect en cash game car on laisse de trop bonnes cotes implicites.
Ensuite pour ce qui est de la chance, je n’ai pas dit qu’il n’y avait pas de chance dans les tournoi, ce serait absurde. J’ai dit qu’il n’est pas rare d’aller loin dans un tournoi sans avoir ne serait-ce que l’occasion de jouer un coin flip.
C’est un point sur lequel j’insistais dans la vidéo dont je parle plus haut, à savoir que la chance en tournoi, si elle est omniprésente, n’est pas dans cette histoire de devoir gagner des coins flips consécutifs qu’on nous ressort régulièrement. D’ailleurs, je pense que tu t’en rends compte quand tu dis que l’un des aspects de la chance c’est qu’on peut se trouver entre deux gros tapis (ceci dit, ce n’est pas nécessairement mauvais puisqu’on est le plus enclin à jouer contre eux et donc à prendre leurs jetons).
Globalement lors d’un tournoi, si l’on ne sort pas dans les premières minutes, il va forcément nous arriver des bonnes choses et des mauvaises choses. Ce n’est pas là où la chance intervient. On est tous logé à la même enseigne à ce titre. la où la chance intervient, c’est une question de timing. Il faut absolument gagner le coup quand on n’a pas le choix, et quitte à perdre des coups (ce qui arrive forcément) il vaut mieux les perdre quand ça ne nous affecte pas trop.
Il est incomparablement plus « chanceux » de gagner un 80/20 quand on est all in que de gagner un 20/80 face à un joueur qui a 10 fois moins de jetons que nous et réciproquement.