Extrait de livre – « Tirer des conclusions du HUD » de « Harrington on Online Cash Games » par Dan Harrington et Bill Robertie
Lien 2+2 : [url]http://www.twoplustwo.com/magazine/issue65/dan-harrington-exerpt-online-cash-games.php[/url]
Tirer des conclusions
Les statistiques d’un HUD ne sont pas indépendantes. Dans la plupart des cas, vous pouvez combiner les stats pour tirer davantage de conclusions sur le jeu de vos adversaires et sur ce qu’ils vont faire. Regardez les différents nombres, remarquez comment elles se complètent, et essayez d’illustrer comment votre adversaire joue et quelles lignes pourraient marcher contre lui. Intéressons-nous à quelques HUD et regardons ce qu’ils dévoilent de nos adversaires.
HUD 1
JeffJ / (180) / +6
VPIP 12 / PFR 8 / AS 18 / FB 85
3B 3 / F3 85 / AF 4 / 5 / 1 / 0.8
CB 85 / FC 60 / FT 80
W$F 42 / WtS 22 / W$S 57
Nous sommes en NL25 6-max, la plus haute limite des micro-limites. « JeffJ » est gagnant à notre table. Que pouvons dire de lui à partir de son HUD ?
La 1ère chose que nous remarquons est qu’il joue extrêmement serré, avec un VPIP de 12% et un PFR de 8%. Il entre dans peu de pots, il relance la plupart du temps qu’il entre dans un pot, et sa main sera soit une paire ou 2 broadways avec occasionnellement des connecteurs suités, probablement forts tels que JTs, T9s, etc. C’est aussi un joueur solide et gagnant avec un winrate de 6 big bets toutes les 100 mains.
Quand nous regardons ses statistiques de vol, nous remarquons que son pourcentage de tentatives de vol « attempt to steal (AS) » est de 18%, ce qui est très faible. Même quand tout le monde fold jusqu’à lui et qu’il est au bouton, il a besoin d’une bonne main pour s’impliquer dans le coup. Mais nous pouvons tirer une conclusion bien plus importante : en comparant son PFR de 8% à son AS de 18%, nous pouvons en déduire qu’il ne connaît pas la valeur de la position. S’il l’a connaissait, il relancerait bien plus de mains depuis le bouton et le cutoff, et son AS serait bien plus élevée.
Ceci révèle autre chose. Quand un joueur comprend la notion de position, il aura des mains plus faibles quand il sera en position et des mains fortes quand il sera hors de position parce qu’il sait que l’avantage de la position compense la faiblesse de ses cartes. Ca ne sera pas le cas pour « JeffJ ». Attendez-vous à ce qu’il ait des mains fortes qu’il soit ou non hors de position.
Sur la 3ème ligne, ses stats de 3bet ne sont pas surprenantes. Son pourcentage de 3bet très faible de 3% montre qu’il 3bet seulement avec ses meilleures mains, probablement QQ+ et AK. Son pourcentage de « fold to 3bet » est similairement élevé. Si vous le 3bettez, il vous mettra sur une main très forte et se couchera sauf s’il a une premium en main.
Ses facteurs d’agression sont élevés mais un peu déroutant. Un joueur qui ne joue que des mains fortes préflop va probablement avoir beaucoup de bonnes mains post-flop : des mains comme TPTK ou une overpaire. Il est censé faire beaucoup de continuation bets, ce qu’il fait d’ailleurs. En fait, son facteur d’agression au flop de 5 et son pourcentage de continuation bet de 85 ne sont pas seulement élevés, mais un petit peu trop élevés. En regardant à son agressivité à la turn et à la river, nous voyons que ces chiffres chutent drastiquement : respectivement 1 et 0.8. Il a besoin d’une très bonne main pour continuer à agresser dès qu’il rencontre un peu de résistance.
D’un autre côté, si nous regardons la 4ème ligne, nous remarquons que son « fold to continuation bet » est de 60% et son « fold to turn continuation bet » est encore plus élevé à 80%. Ces stats sont très élevés si on considère qu’il ne joue que des mains très fortes. Il semble qu’il est un peu trop frileux quand il n’a pas l’initiative, et abandonne un peu trop vite à la moindre agression.
Les stats de la 5ème ligne complètent son profil. Son pourcentage d’argent gagné quand flop vu - « win money when seeing flop » (W$F) - est de 42%, trop faible par rapport au fait qu’il ne choisit que de mains très fortes préflop, donc « JeffJ » se fait écarter de nombreux pots quand il n’a pas une main super-forte et que son adversaire lui résiste. Son pourcentage d’abattage - « went to showdown » (WtS) - est de 22%, en-dessous de la moyenne et logique au vu de nos observations. Son pourcentage d’argent gagné à l’abattage – « win money at showdown » (W$S) – est de 57%, très élevé et indiquant qu’il n’emmène que ses meilleurs mains à l’abattage.
Notre plan de jeu
Notre plan de jeu contre « JeffJ » est simple : de l’agression pure. Bien qu’il ne relance que peu de mains préflop (8%), il n’a pas confiance dans sa capacité à jouer une main tant qu’il n’est pas sur d’être devant. Ne devons exploiter sa faiblesse en le 3bettant régulièrement. Remarquez qu’en combinant son pourcentage de relance préflop (8%) avec son pourcentage de « fold to 3bet » (85%), nous savons qu’il va payer ou relancer un 3bet avec seulement 1.2% du total de ses mains (8%x85%=1.2%).
Cela ne représente que les as et les rois, une range si serrée que nous pouvons littéralement le 3better avec n’importe quelles cartes, abandonner quand il 4bet et faire tout de même un profit.
Après le flop, notre plan est aussi très simple. Puisque nous savons qu’il fait beaucoup de continuation bet mais ne veut pas aller à l’abattage sans une main forte, nous devons « floater » un grand nombre de ses cbet (payer sa mise sans une vraie main) puis miser la turn après qu’il ait checké. Etant donné que son agression à la turn est de 1, faible comparé à son agression au flop de 5, nous savons qu’il sera rarement capable d’envoyer une 2ème mise sans ce qu’il pense être une main forte. Ceci est une tendance dangereuse quand elle est portée à l’extrême et nous nous devons de l’exploiter sans relâche.
Maintenant vous devez vous demander « comment se fait-il que JeffJ est un joueur gagnant puisque nous sommes capable de l’exploiter si facilement ? ». Nous avons rencontré JeffJ à une table de micro-limites, et aux micro-limites, un jeu excessivement serré portera quand même ses fruits. Il gagne de l’argent des joueurs trop loose et trop passifs.
Cependant, si JeffJ prévoit de monter de limite, il va avoir besoin d’améliorer son jeu. Aux petites limites (> NL25), il rencontrera des joueurs moins loose, moins passifs et plus agressifs qui utiliseront leur HUD pour repérer les tendances que nous avons repérées. A ces niveaux, son style de jeu ne sera pas assez bon pour tirer un profit. A des limites encore plus hautes, il se ferait écraser.
HUD 2
Lucious / (120) / -10
VPIP 40 / PF 8 / AS 10 / FB 60
3B 1 / F3 20 / AF 1.2 / 1.5 / 1 / 0.8
CB 50 / FC 53 / FT 60
W$F 38 / WtS 33 / W$S 45
Nous sommes toujours en NL25 6-max mais voici un joueur avec un profil très différent de « JeffJ ». Nous n’avons que 120 mains sur « Lucious » donc nous aurons moins confiance dans ses stats que précédemment. Cependant, « Lucious » a certaines tendances qui sautent aux yeux. Son VPIP et son PFR le marquent comme étant « loose-passif », jouant environ 40% de ses mains mais relançant seulement 8%. Il aime voir un flop avec une main qui ne le mérite pas forcément, mais il ne relancera pas tant qu’il n’aura pas une premium. Son pourcentage de tentative de vol (AS) de 10% indique que même avec la position, il ne prendra pas les devants avec une bonne main.
Mais, notons que Lucious ne peut pas se faire sortir préflop. Il ne couche sa big blind que 60% du temps, signifiant qu’il paiera les autres 40% si vous essayez de lui voler. C’est autant que son VPIP général donc il se fiche de ce que vous représentez. S’il a une main qu’il veut jouer, il la jouera. Le fait qu’il ne couche que 20% du temps quand on le 3bet renforce cette conclusion. Peu importe la force que vous représentez, il ne sortira pas du coup.
Son agression (1.2/1.5/1/0.8) est très faible et indique beaucoup de passivité post-flop. Il aura besoin d’une main très forte pour prendre l’initiative. Son pourcentage de continuation bet de 50% donne une confirmation supplémentaire qu’il est effectivement passif post-flop.
Ses statistiques de la dernière ligne nous donnent aussi une image très claire. Il va à l’abattage 33% du temps (WtS), ce qui est très élevé. Cependant, ses gains quand il a vu un flop de 38% (W$F) et ses gains quand il est allé à l’abattage de 45% (W$S) indiquent qu’il aime aller à l’abattage mais que cela ne lui réussit pas. Il paye probablement n’importe quelle paire ou tirage au flop et continue de payer dans l’espoir que sa main remporte le coup à l’abattage. Aussi remarquez la corrélation subtile entre ses VPIP/PFR à 40/8 et son faible taux de gain quand flop vu de 38%. Quand vous ne faites que caller préflop, cela devient difficile de voler des pots post-flops. Un manque d’agression préflop rend le vol de pots post-flops beaucoup plus difficile.
Notre plan de jeu
« Lucious » représente un problème complètement différent de « JeffJ ». C’est un classique « loose-passif » calling station, un joueur qui veut aller jusqu’au bout de chaque main et savoir s’il a gagné ou pas, sans faire trop attention à combien ce lui a couté pour arriver là. Ces joueurs ne sont pas difficiles à battre, mais ils requièrent un mélange d’agressivité raisonnée avec un peu de prudence.
Premièrement, prenons en note que nous n’allons pas bluffer Lucious souvent. Nous ne le 3betterons pas préflop sans une main forte. Si nous relançons préflop et qu’il call, nous pouvons faire un continuation bet quand nous ratons le flop pour savoir s’il abandonne. S’il ne le fait pas, il a quelque chose et il ne peut vraisemblablement pas être écarté du coup, donc nous arrêterons les frais ici. S’il commence à relancer, nos mains moyennes ne seront jamais bonnes et nous pourrons nous coucher en toute tranquillité.
Contre Lucious, nous nous ferons de l’argent quand nous toucherons le flop avec une bonne main comme TPTK. Dans ce cas, nous miserons et il paiera. Il aura probablement une paire inférieure, une top paire moins bien kické ou un tirage et nous pouvons miser pour value tout le reste de la main et gagner un joli pot.
Jouer contre Lucious peut sembler simple, mais quelques problèmes se soulèvent. Si nous touchons une grosse main au flop, disons double paire, que nous misons et qu’il relance, nous sommes face à une décision difficile. Relance-t-il avec une main très forte qui nous bat, comme un brelan ou une meilleure double paire, ou est-ce qu’il a juste une main qu’il pense être bonne mais que nous battons comme TPTK ? Une des choses confortables est que nous savons qu’il ne semi-bluffera jamais dans ce cas. S’il semi-bluffait ses facteurs d’agressivité seraient plus élevés.
Des joueurs comme Lucious sont du pain béni pour les joueurs de micro-limites. Il y en a beaucoup et ils seront des perdants sur le long terme. Vous en trouverez quelques uns aux limites plus élevées, généralement des débutants qui ont choisis de commencer ici plutôt qu’aux micro-limites.
HUD 3
Pushypete / (210) / +8
VPIP 25 / PFR 20 / AS 45 / FB 75
3B 10 / F3 75 / AF 5 / 6 / 4 / 2
CB 90 / FC 65 / FT 75
W$F 53 / WtS 23 / W$S 48
Nous sommes montés en NL200 où nous avons rencontré un nouveau personnage, « pushypete », qui semble être gagnant. Quel est son secret ?
La première chose que nous remarquons grâce au HUD de pushypete est qu’il est extrêmement agressif. Son VPIP et son PFR sont respectivement de 25 et de 20 ce qui signifie qu’il relance la plupart des mains qu’il joue préflop. Son taux de tentative de vol est de 45% ce qui est aussi très élevé. Si tout le monde se couche jusqu’à lui au cutoff ou au bouton, il est prêt à relancer presque une main sur deux. De plus, remarquez son taux de 3bet de 10%. C’est le plus élevé que nous avons vu depuis le début. S’il y a une relance face à lui, il est prêt à tester ses adversaires en les sur-relançant même s’il n’a pas une premium. Une range de 10% inclus des mains comme des petites et moyennes paires et même des mains comme AJo ou QJs.
Ses stats post-flop montrent la même chose. Son agressivité générale est de 5, ce qui est assez élevé. Son agressivité au flop est de 6 et son pourcentage de continuation bet est de 90%, encore très élevés. S’il a l’initiative préflop (la plupart du temps), il fera un cbet post-flop. Plus intéressant, cependant, sont son agressivité turn et river de 4 et 2. Elles sont aussi hautes et indiquent qu’il n’est pas intéressé dans le pot control. Il va continuer de miser et mettre un maximum de pression surs ses adversaires pour les sortir du pot.
Que se passe-t-il quand il rencontre de l’agressivité ? Nous avons quelques preuves ici grâce à son taux de « fold big blind to steal » (FS) de 75%, son taux de « fold to cbet » (FC) de 65% et son taux de « fold to turn cbet » (FT) de 75%. Ces stats sont toutes dans la normale ce qui indique qu’il évalue sa main plus ou moins en accord avec sa valeur qu’elle doit avoir quand son adversaire prend l’initiative en misant. Il n’essaye pas d’anéantir toute résistance, mais ne se cache pas dans son trou non plus.
Les stats de la dernière ligne montrent l’effet de son agressivité générale. Ses gains quand il a vu un flop de 53% sont élevés, résultant de nombreux pots remportés avant l’abattage. Son taux d’abattages vus est faible 23%, exactement ce à quoi on s’attendait. Ses gains à l’abattage sont quelque part faible pour un joueur gagnant, mais c’est parce que ses adversaires se font écarter quand ils ont des mains faibles mais pas quand ils ont des mains fortes.
Notre plan de jeu
« pushypete » est un joueur plus bien fort que « JeffJ » ou « Lucious », démontré par sa capacité à battre des limites plus élevées. Quand nous allons le jouer, notre principale arme sera de le piéger avec nos bonnes mains. Son agressivité post-flop montre qu’il voit principalement les checks et les calls comme des signes de faiblesses, pouvant être écartés du coup. Une hypothèse juste contre les joueurs « straightforward ». D’un autre côté, il est prêt à coucher des mains régulièrement contre des joueurs qui montrent de la force.
Donc notre meilleure approche est de :
- Slowplayer nos mains les plus fortes pour extraire plus de mises de sa part
- Attaquer avec des relances au flop et à la turn, utilisant un mélange de bonnes mains et de bluffs
Puisque nous pensons que « pushypete » est un bon joueur, il devrait s’adapter à notre approche au bout d’un certain temps. Mais il devra s’adapter en diminuant son agressivité, ce qui nous permettra de chercher nos tirages moins chers et d’aller à la river plus facilement avec nos mains moyennes.