La dépendance aux jeux de hasard et d'argent

La dépendance aux jeux de hasard et d'argent

Ce qu'il faut savoir sur la dépendance aux jeux d'argent : combien de personnes sont concernées, comment la dépendance se met en place, comment la prévenir et en sortir, et aussi comment les opérateurs et les casinos rendent leurs jeux le plus addictif possible. 

Qu'est-ce que la dépendance aux jeux de hasard et d'argent ?

Parmi les gambleurs réguliers, certains souffrent d'une pathologie. Ils ressentent le besoin de jouer, toujours plus fréquemment, à des mises toujours plus importantes, pour éviter un état de manque. Cette dépendance à une activité sans substance est nommée par les termes suivants, quasi-synonymes : jeu pathologique, jeu compulsif, jeu excessif, jeu à risque, jeu problématique...

Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, la référence américaine, a défini le jeu pathologique comme l'appartenance à au moins 5 des critères suivants :

1. Préoccupation par le jeu (exemple : préoccupation par la remémoration d'expériences de jeu passées ou par la prévision de tentatives prochaines ou par les moyens de se procurer de l'argent pour jouer).
2. Besoin de jouer avec des sommes d'argent croissantes pour atteindre l'état d'excitation désiré.
3. Efforts répétés mais infructueux pour contrôler, réduire ou arrêter la pratique du jeu.
4. Agitation ou irritabilité lors des tentatives de réduction ou d'arrêt de la pratique du jeu.
5. Joue pour échapper aux difficultés ou pour soulager une humeur dysphorique (exemple : des sentiments d'impuissance, de culpabilité, d'anxiété, de dépression).
6. Après avoir perdu de l'argent au jeu, retourne souvent jouer un autre jour pour recouvrer ses pertes (pour « se refaire »).
7. Ment à sa famille, à son thérapeute ou à d'autres pour dissimuler l'ampleur réelle de ses habitudes de jeu.
8. Commet des actes illégaux tels que falsifications, fraudes, vols ou détournement d'argent pour financer la pratique du jeu.
9. Met en danger ou perd une relation affective importante, un emploi ou des possibilités d'étude ou de carrière à cause du jeu.
10. Compte sur les autres pour obtenir de l'argent et se sortir de situations financières désespérées dues au jeu

En France, près de la moitié des adultes, 48%, joue au moins une fois par an.
Les joueurs réguliers, qui jouent en moyenne une fois par semaine ou plus, représentent 11% de la population.
Les joueurs dépensiers, dont les mises annuelles dépassent 500€ sont 5%.
On compte entre 1 et 1,5% de joueurs pathologiques. Soit environ 600.000 personnes.

Pourquoi la dépendance aux jeux de hasard et d'argent ?

Les joueurs pathologiques peuvent se diviser en deux grandes catégories, qui sont cumulables : ceux qui surestiment l'importance du moment présent et ceux qui ont une imagination erronée de l'avenir.

La surestimation du présent.

L'Homme tient plus de la cigale que de la fourmi. Il est en effet naturel, humain, d'accorder une importance démesurée au moment présent, ce qui conduit souvent à des décisions irrationnelles, regrettées par la suite, par exemple :

Confrontés au choix entre obtenir 50€ tout de suite ou 100€ dans un an, l'écrasante majorité des gens préfère la première option.
Beaucoup ont déjà regardé plusieurs "derniers" épisodes d'une série, ou bu plusieurs "derniers" verres tout en sachant qu'ils allaient le regretter le lendemain matin.
Quand on demande à quelqu'un de juger l'ensemble de sa vie, son humeur a un poids prépondérant, ainsi un groupe de cobayes qui ont trouvé un billet laissé sur le sol par les chercheurs ont estimé avoir une bien meilleure vie que les participants du groupe contrôle.

Cette propension a favoriser le "moi présent" au "moi futur" explique le comportement de certains joueurs excessifs, qui jouent comme d'autres picolent : sur le coup, le plaisir des mises placées ou des verres consommés paraît plus important que tout. Puis vient le lendemain difficile, quand on se réveille le portefeuille vide ou avec la gueule de bois, alors on se promet "plus jamais ça". Mais quand l'occasion de jouer ou de boire se présente à nouveau, la crainte des regrets à venir s'efface devant l'immédiateté du plaisir.

La vision biaisée du futur.

Énormément de joueurs, en particuliers parmi les pathologiques, sont incapables d'imaginer le résultat futur, ou à tout le moins probable, de leur jeu, à cause de nombreux biais.

La surestimation de soi : au poker, environ 80% des joueurs sont perdants. Pourtant, quasiment tous ceux qui déposent de l'argent imaginent qu'ils vont le faire fructifier, il y a là un grave problème d'objectivité quant à son niveau.

Incompréhension de l’espérance de gain : prenons le cas de la roulette de casino telle que pratiquée en France. L'Ev est de – 2,70%. Ainsi, si vous misez 1000€, que ça soit en une fois 1000, en mille fois 1, sur des chiffres isolés, sur des combinaisons de chiffres, sur rouge ou sur noir, votre espérance est de perdre 27€. Un comportement typique de joueur pathologique est d'imaginer probable, voire certain de sortir gagnant.

Incompréhension du hasard et de la chance :

  • croyance que la chance est un trait de personnalité (on naît chanceux ou malchanceux)
  • croyance en l'intuition : "je sens que mon tirage ventral va rentrer", souvent suivi de "et m...e" et moins souvent de "je savais bien que ça allait tomber" *croyance en des talismans "j'ai une pièce fétiche pour mes jeux de grattage"
  • croyance au presque gagné « j'ai parié sur le 20, le 19 est tombé, j'étais pas loin, ça vient » (cette croyance est exploitée par les casinotiers, par exemple dans les machines à sous, qui vont afficher deux 7 et un « presque 7 »)
  • attribution au hasard les pertes uniquement "quand je gagne c'est parce que je suis bon, mais quand je perds c'est de la malchance"
  • incompréhension des probabilités "au loto, il vaut mieux ne pas choisir 6 numéros consécutifs"
  • incompréhension de l'indépendance des tirages, dit effet Monte Carlo "Noir vient de tomber plusieurs fois, il faut miser sur Rouge" (A Monte Carlo, le 18 août 1913, la roulette s'arrêta sur Noir 26 fois consécutives, les parieurs perdirent des millions de francs en misant sur Rouge, considérant à tort qu'à chaque nouveau Noir, la probabilité de Rouge augmentait)

Cette liste de croyances erronées ne saurait être exhaustive, tant l'être humain a tendance à être irrationnel quand il est confronté à des situations sur lesquelles il n'a aucun contrôle.

Ainsi, de nombreux joueurs pathologiques jouent car ils pensent avoir une espérance positive à des jeux perdants, ce qui est irrationnel.

Nous verrons dans un deuxième article, quel est le parcours typique d'un joueur addictif, quels sont les moyen de prévention et de traitement de la dépendance aux jeux d'argent, et en quoi le poker diffère-t-il, ou pas, des jeux de hasard pur.

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