L’évolution du marché du poker en ligne français depuis 2010

L’évolution du marché du poker en ligne français depuis 2010

Tous les chiffres et graphiques essentiels, ainsi que leur analyse, qui montrent l'ampleur du déclin du poker en France depuis l'ouverture du marché des jeux en ligne en 2010.

L’évolution des joueurs de poker

Commençons par une bonne nouvelle. Bonne ou pas d'ailleurs, c'est une question de point de vue, mais cela va être le seul “graph qui monte” de cet article, sachez l’apprécier. Il s’agit de l’évolution du taux de joueuses, qui a gagné 1 point chaque année, selon l’équation %joueuses = année - 2001.

 

Après cette touche de légèreté, rentrons dans le vif du sujet avec un révélateur de la mauvaise santé du poker en France : l’évolution du nombre de joueurs actifs par semaine. De 247 000 joueurs par semaine en 2010, un pic à 300 000 a été atteint en 2011, avant que ne commence la chute. Au 2ème trimestre 2014, il n’y avait plus que 238 000 joueurs par semaine, un minimum de -215 000 ayant même été atteint durant la coupe du Monde de football.

 

Cette diminution du nombre des joueurs touche l’ensemble de la population pokeristique, et tout particulièrement les regs, qui s’en vont à l’étranger ou jouent sur le marché illégal, quand ils n’arrêtent pas de jouer. Voici l’évolution des joueurs misant +100k€ par trimestre. Cette statistique fournie par l’Arjel n’étant pas vraiment parlante, sachez que cela correspond en gros aux regs “moyens” de NL 100+, voire aux plus assidus des limites inférieures. De 2643 en au 2ème trimèstre de 2011, ils n’étaient plus que 1581 au T2 2014. Une chute de plus de 40%...

 

La désertion des rooms françaises par les regs est des plus catastrophiques pour le marché. En effet, les plus gros joueurs font énormément plus de volume que le reste. Essayez de deviner quel pourcentage des mises fait le top 1% des joueurs en cash game. 10% ? 20% ? 30% ?

En réalité, les 1% les plus joueurs sont responsables de bien plus de la moitié des mises ! Voici la répartition des top 1 et 10 %, selon l’activité (CG ou tournoi)

 

L’évolution des mises, PBJ et taxes

Depuis 2010, le total des mises diminue chaque année. Cependant, il y a une distinction à faire entre le CG, qui représente le gros des mises et chute lourdement et le jeu de tournois, qui représente un faible pourcentage des mises et progresse régulièrement. Addition faite, 7 593 m€ ont été misés en 2011 pour seulement 5 055 m€ en 2014

 

Il n’est pas aisé d’avancer une explication à cette différence. Il est plausible que les rooms aient décidé de mettre les tournois en avant. Y gagnent-elles plus ?
On sait que l’Etat prélève 2% des mises. Vous vous inscrivez à un tournoi à 10€, 20 centimes vont à l’Etat. Vous faites un bet à 10€, 20 centimes vont à l’Etat. On connaît également le taux de retour moyen. En CG il est de 97%, en tournois il est de 92%. C’est à dire que le joueur moyen, quand il mise 10€, récupère 9€70 (et non pas 10 s’il n’y avait aucun rake) et quand il s’inscrit à un tournoi à 10€, il récupère 9€20.
Seulement on ne peut pas conclure automatiquement que les tournois seraient plus avantageux pour les rooms. Car faire un bet de 10€ en CG et s’inscrire à un tournoi à 10€ n’ont rien à voir. La question à se poser du point de vue des rooms est, considérant un joueur en particulier, va t-il générer plus de rake en passant une soirée de CG ou une soirée de tournois ? Il semble clair que les joueurs rapportent plus en CG qu’en tournois. Les plus gros rakers de CG peuvent faire dans les 10k mensuel, alors qu’en tournoi il est rare de dépasser les 1000€.
Il semblerait donc que les rooms préféreraient le CG dans l’absolu, mais se rabattent sur le tournoi. Car ce format, où il est possible de gagner gros en peu de temps si on a de la chance, est préféré par beaucoup de récréatifs. Or les récréatifs sont on ne peut plus important pour l’écosystème du poker, car ce sont eux qui déposent l’argent, qui finit dans les poches de l’Etat, des rooms, et des regs.

Le Produit Brut des Jeux ou PBJ est l’équivalent du chiffre d’affaire pour les rooms : le rake total moins les bonus accordés aux joueurs (rakeback et autre). Le prélèvement de l’Etat n’est pas directement calqué sur le PBJ : il correspond à 2% des mises, même lorsque le flop n’est pas dévoilé, avec un cap à 1€. Les deux courbes, celle du PBJ et celle de la taxe se ressemblent tout de même beaucoup et sont toutes deux décroissantes.

 

En 2010, l’Etat prélevait l’équivalent de 35,4% du PBJ en 2010, 33,4% en 2011, et 33,7% en 2012 et 2013. Le prélèvement actuel est donc plus ou moins équivalent à une taxe à 34% du PBJ sans distinction CG ou tournoi. En comparaison, les Espagnols sont taxés à 25%, les Danois à 20%, les Anglais à 15%, et les Maltais à 5%.. Alors, la taxe en pourcentage du PBJ en France, à quand et surtout, à combien ?

L'évolution des opérateurs

25 opérateurs ayant obtenu l'agrément Arjel s'étaient lancés dans la courses en 2010. Fin 2013, ils n'étaient plus que 13. Cette année 2014, Europoker a fermé ses portes, dans des conditions dramatiques pour les joueurs. Dans les jeux de casinos il est coutume de dire que la banque gagne toujours. Cela ne semble pas vrai pour les rooms de poker en ligne, qui semblent embourbées dans un cercle vicieux : moins de joueurs implique moins de profit implique moins de budget com' implique moins de joueurs...

 L'incertain futur du marché du poker

Disons le tout de go, il n'y a aucune raison de penser que les courbes données dans cet article s'inversent avant au moins un an. Ensuite, le futur du poker en ligne est aussi incertain qu'un coin-flip. Le marché va-t-il se stabiliser une fois un certain nombre de joueurs atteint ? Sans aucun doute, mais ce minimum théorique peut être très bas, car le gros des joueurs arrête au bout d'un ou quelques dépôts perdus. A cause de cette difficulté à fidéliser les récréatifs, il faut renouveler la population, en passant par de la coûteuse publicité, que les opérateurs peuvent de moins en moins se permettre... 
Pour autant, de futures bonnes nouvelles ne sont pas impossibles. Les pistes d'améliorations sont connues :européanisation du marché, baisse des taxes, introduction de nouvelles variantes. Et en attendant, on peut espérer de nouvelles campagnes de pub, ou, ô miracle, un nouveau titre de Patrick Bruel...

 PA  0 7704   24 Commentaires