La cote implicite
La cote implicite est, bien entendu, plus élevée en No-Limit qu’en Fixed limit. Vous pouvez souvent partir du principe que, lors du tour suivant, vous arriverez à soutirer au moins une mise entre un demi pot et un pot complet à votre adversaire.
Vous devez cependant bien faire attention à la taille du tapis. Si votre tapis ou celui de votre adversaire est très petit, alors votre cote implicite s’en trouve également fortement réduite, puisque vous devez toujours prendre en considération le tapis effectif. Vous ne pouvez pas gagner plus que l’argent que votre adversaire peut perdre.
EXEMPLE
Admettons que le pot au flop soit de 12 BB, et que vous ayez le tirage couleur max, avec 9 outs (un tableau sans paire). L’adversaire mise 8 BB. Vous avez donc une cote du pot de 1:2,5 pour un call. Pour pouvoir suivre avec votre 9 outer, en revanche, il vous faudrait une cote de 1:4,22 (calculée selon la formule : [1-(9/47)]/(9/47))
Mais si vous pouvez partir du principe que vous arriverez à soutirer, en moyenne, encore un demi-pot sur la street suivante, alors votre cote impilcite pour un call est naturellement plus élevée.
Calcul de la cote implicite :
Taille du pot sur le flop : 12 BB
taille de la mise adverse : 8 BB
Pot sur le turn après un call : 28 BB (12 BB+8 BB+8 BB)
Cote implicite pour un call sur le flop : 1 : [(“Taille du pot sur le flop” + “Taille de la mise adverse” + “Mise attendue sur la street suivante en cas de hit”) / (“mise adverse”)
Cote implicite = 1 : [12+8+28/2)/8] = 1 : 4,25
Vous avez donc une cote implicite de 1:4,25. Pour justifier un call, il vous faut 1:1,422. La cote implicite permet donc un call dans cette situation.
Avec un tirage, vous n’avez pas toujours d’aussi bonne cote implicite. Parfois, vous aurez aussi une cote implicite quasi inexistante en cas de hit. C’est le cas si, en raison de votre action, votre adversaire vous met clairement sur ce tirage-là, et ne compte plus investir d’argent en cas de réalisation de celui-ci.
Plus votre tirage est évident (tirages couleur et quintes à une carte, par exemple), plus vous devez être pessimiste dans le calcul de votre cote implicite. Votre cote implicite dépend également de la capacité de votre adversaire à bien évaluer la texture du tableau.
Évolution de l’equity avec un tirage fort
Pour bien comprendre le jeu avec un tirage fort, il est important de bien réaliser comment votre equity évolue entre le flop et le turn, lorsque votre tirage ne se réalise pas sur le turn. Vous savez sans doute déjà que vous avez une plus grosse pot equity sur le flop que sur le turn, car, vous y avez deux possibilités de toucher votre tirage (turn et river) contre une seule sur le turn (river).
Puisque, sur le turn, vous n’avez plus qu’une possibilité de réalisation de votre tirage, votre equity fond considérablement. La table que voici démontre cela de manière ostensible :
Évolution de l’equity du flop au turn
Votre main
Main adverse
Flop
Equities sur le flop
Turn
Equities sur le turn
Pertes d’equity relative
A7
T9
T92
36.46:63.54
3 20.45:79.55 43.9%
KQ
JT
JT2
32.83:67.17
3 18.18:81.82 44.6%
KQ
JT
JT2
53.32:46.68
3 34.1:65.9 36.1%
Ces trois situations démontrent parfaitement la perte d’equity que connaît un bon tirage entre le flop et le turn, puisque vous êtes toujours dépendant de votre tirage quinte ou couleur afin de gagner la main. Si vous ne touchez pas votre tirage sur le flop, vous avez encore des chances de gagner avec des runners-runners (comme runner runner double paire par exemple).
Vous voyez donc que si la carte du turn est un blank, vous êtes confrontés à une perte d’equity allant de 36,1 à 43,9 %. On peut, bien évidemment, en conclure que vous êtes plus disposé à go broke sur le flop que tu le turn, avec un tirage, puisque vous y avez une bien meilleur equity, si vous êtes battu et dépendez d’un tirage.
La conclusion inverse est valable pour les mains faites. Si vous êtes face à un tirage, vous préférez bien entendu go broke sur un turn en cas de blank, car cette blank lui fait encaisser une grosse perte d’equity.
Bet/Raise, Call ou Fold?
La question de savoir si vous devriez jouer de manière agressive ou pas avec un tirage, voire si vous devriez vous coucher, n’est malheureusement pas simple à répondre. Jusqu’à présent, vous savez tout simplement que, si vous décidez d’investir votre tapis, il est préférable de le faire sur le flop, afin de profiter d’une equity maximale face à des mains faites adverses.
Les considérations mathématiques du jeu avec les tirages forts sont très complexes et ne peuvent par ailleurs livrer aucun résultat définitif, en raison du grand nombre de variables inconnues. Bien souvent, vous allez devoir adapter votre jeu avec les tirages forts au style de jeu adverse, de sorte que l’on ne peut vraiment établir de ligne standard pour le jeu avec ces tirages. Ce que l’on peut faire, c’est donner quelques consignes générales, et de démontrer leurs applications diverses dans des exemples.
Qu’est-ce qui plaide en faveur d’un fold ?
Vous devriez vous coucher lorsque…
... la cote implicite ne suffit pas pour un call, et un semi-bluff est également exclu.
... La probabilité d'être drawing dead (tirer mort) est trop élevée. C'est, par exemple, le cas lorsque vous avez un tirage quinte ou couleur et qu'il y a une paire sur le tableau, rendant un full possible.
... Vous avez certes un tirage fort, mais pourriez bien souvent être dominé. Les tirages couleurs non max, et les tirages quintes bilatéraux par le bas sont concernés par cette problématique.
Qu’est-ce qui plaide en faveur d’un call ?
Vous devriez suivre lorsque…
... vous ne générez pas de fold equity suffisante avec un semi-bluff, mais avez une cote (implicite) vous permettant de suivre. C'est souvent le cas lorsque vous êtes face à un adversaire plutôt passif qui mise sur le flop.
... Il y a de trop fortes chances que vous soyez relancé directement, si vous faites un semi-bluff, et ne puissiez plus suivre en raison de la mauvaise cote, ou soyez clairement outsider en cas de call. C'est surtout le cas lorsque vous êtes face à un adversaire agressif sur un tableau propice aux tirages, le poussant à protéger sa main directement sur le flop.
Qu’est-ce qui parle en faveur d’une mise ou d’un raise ?
Vous misez ou relancez lorsque …
... vous pouvez vous accorder une fold equity très élevée, et le pot est déjà conséquent.
... vous avez un grand nombre d'outs et donc une très bonne equity face aux mains faites.
... vous avez la position, et aurez souvent la possibilité de prendre une carte gratuite sur le turn.
... vous jouez contre un adversaire qui surjoue souvent ses paires, et va trop souvent à l'abattage avec celles-ci. Ainsi, vous construisez le pot et vous donnez la possibilité de lui faire des gros value bets en cas de hit.
À quelle hauteur devrait s’élever un semi-bluff
On peut répondre à cette question en raison de quelques règles empiriques de bases, qui s’appliquent à la majorité des situations.
Avec un minraise, vous avez en général une fold equity très faible. Cette taille de mise ne se prête donc pas à un semi-bluff.
Avec une relance à hauteur du pot, vous avez un bon rapport qualité/prix, en terme de fold equity. La fold equity est donc sensiblement supérieure à la fold equity avec un minraise.
Un overbet génère souvent une fold equity plus élevée qu'une mise à hauteur du pot, mais le rapport qualité/prix est moins bon, vue la taille de la mise.
La fold equity n'augmente pas de façon linéaire avec l'augmentation de la taille de la mise. Contre des adversaires forts, qui se posent des questions sur votre éventail de mains, le fold equity peut même commencer à redescendre lorsque vous faites de grosses mises, car un adversaire se demandera alors toujours pourquoi vous misez tant, et si vous miseriez tant avec une main comme un set. S'ils finissent par conclure que vous avez une main à tirage, alors ils pourront faire des calls avec des mains marginales.
Vous voyez donc que la taille de vos mises doit être adaptée à votre adversaire. De plus, vous devriez savoir qu’avec un minraise, vous générerez rarement une fold equity suffisante pour rendre un semi-bluff EV+.
Quelle est l’importance de votre propre séquence de mise lorsque vous faites un semi-bluff ?
Un semi-bluff est seulement un move EV+ lorsqu’il vous offre une fold equity suffisante. Pour ce faire, il vous faut opter pour la séquence de mise appropriée.
En règle générale, vous souhaitez être celui qui fait le all-in, afin de générer une fold equity maximale. Pour ce faire, vous devez toujours faire attention que votre adversaire ne soit pas déjà pot commited, vous empêchant ainsi de générer une fold equity conséquente.
Vous pouvez également mener la réflexion inverse face à votre adversaire. Si vous avez le tirage couleur max, sur un tableau autrement plutôt sec, vous pouvez opter pour une séquence de mise où c’est l’adversaire qui fait le push, afin ainsi de le pousser à faire un semi-bluff avec un moins bon tirage couleur.
Une telle approche vous offre une situation fort profitable, dans laquelle votre adversaire est très souvent battu sur le flop. Pour ce faire, il est important de vérifier que vous jouez bien contre des adversaires capables de faire un semi-bluff flop avec de moins bons tirages couleurs.
Dans quelle mesure faut-il équilibrer (balancing) votre éventail de main ?
Aux tables micro et small stakes, le balancing des lignes de mise est quelque peu “overrated” (surévalué). Contre les adversaires incapables de porter une véritable réflexion sur votre éventail de main, alors vous ne devez pas non plus faire attention à équilibrer votre propre éventail.
Dans ce cas, vous pouvez donc jouer les tirages couleurs comme des tirages couleurs, et les sets comme des sets. À ces limites, l’adversaire ne se pose pas la question de savoir de quoi est composé votre éventail. Il n’a en général d’yeux que pour sa propre main, et essaye de déduire si il est encore en tête ou non.
Mais plus vos adversaires deviennent bons, plus vous devez commencer à songer au balancing. Vous allez arriver dans des situations où vous relancerez votre set de façon trop élevée, afin d’essayer de suggérer que vous avez un tirage couleur, et vice versa.
La même chose est valable pour la séquence de mise. Contre des joueurs de qualité, vous allez essayer d’équilibrer les différentes lignes, de sorte que vos adversaires ne puissent pas vous mettre trop rapidement sur un type de main particulier. Vous les poussez ainsi à faire plus facilement des erreurs face à vos monster et vos tirages forts.
Le balancing de votre propre éventail de main ne prend cependant de véritable importance qu’une fois que vous vous retrouvez face à des adversaires bons et perspicaces. Ne faites donc pas l’erreur d’accorder trop d’importance, trop tôt, à l’aspect balancing. Aux petites limites, mieux vaut se concentrer à essayer de tirer la plus grosse value de chaque main.
Pour finir notre présentation des bases du jeu avec les tirages forts, voici encore quelques règles importantes pour l’évaluation de votre cote implicite :
En fonction des tirages, la cote implicite est plus ou moins grosse. Un tirage couleur, par exemple, bénéficie généralement d'une cote implicite plus faible qu'un tirage quinte bilatéral. Cela est dû au fait qu'une quinte possible sur le tableau semble généralement moins menaçante qu'un tableau 3-suited.
La cote implicite varie en fonction des adversaires. Si l'adversaire a un WTSD très élevé, alors vous pouvez plus facilement partir du principe qu'il vous payera si vous complétez votre tirage.
La cote implicite dépend du tableau. Dans le cas d'un tirage quinte, si le tableau présente également 3 cartes assorties, alors il semblera bien plus dangereux, et votre cote implicite chute donc également.
La cote implicite dépend toujours de la taille effective de vos tapis. Vous ne pouvez jamais gagner plus que ce que votre adversaire peut perdre.
Approches
Vous êtes hors position
Hors position, on rencontre deux problèmes :
Si vous touchez votre tirage, il est difficile de soutirer de la value de la part de votre adversaire, car il est bien souvent trop évident pour votre adversaire que vous avez touché, si vous misez directement. La tentative de check/raise a, quant à elle, l'inconvénient de permettre un check behind, qui est un move fréquent en No Limit lorsque le tableau réalise un tirage.
Il est souvent coûteux de voir la prochaine street. Il est difficile d'obtenir des cartes gratuites.
Ces deux problèmes peuvent être souvent évités si vous sélectionnez, directement sur le flop, une séquence de mise qui résulterait à un all-in. En optant pour cette approche, vous essayez de combler votre désavantage de position, ainsi que l’évolution négative de votre equity en cas de blank sur le turn.
Bien entendu, si vous optez pour cette approche, il faut choisir une séquence au terme de laquelle c’est vous qui mettriez le all-in, et non votre adversaire (pour les raisons évoquées plus haut). Cette approche est surtout justifiée avec des tirages très forts (12 outs ou plus). Dans cette situation, vous n’avez besoin que de peu de fold equity pour rendre ce move profitable.
Vous jouez OOP dans un pot relancé
VOUS AVEZ L’INITIATIVE
NL 2/4 Dollar
Villain1 (Button) ($400)
SB ($350)
BB ($420)
Hero ($600)
MP ($500)
Villain2 (CO) ($350)
Preflop: Hero is MP3 with K, Q
1 fold, Hero raises to $12, CO calls $12, Button calls $12, 2 folds.
Flop: ($42) T, J, 3 (3 players)
Hero bets $35
Ici, vous avez KQs en MP3 et faites une relance standard à 3 BB. Vous êtes suivi par deux personnes. Sur le flop, vous avez un tirage quinte bilatéral avec deux overcards. Pour cette raison, vous optez pour une mise de semi-bluff.
Vous avez fait preuve de force préflop. Si personne n'a touché sur le flop, vous pouvez généralement remporter le pot directement.
Si l'adversaire vous suit, vous avez 8 outs intacts vers la nut.
Scénario 1:
Hero bets $35, Villain2 (CO) raises to $105, Villain1 (Button) calls $105, Hero calls $70.
Dans ce scénario, Villain2 relance à 105 $. Vous suivez pour les raisons suivantes :
Vous avez fait preuve de force préflop, êtes relancé, et un joueur fait un coldcall avant vous. Vous pouvez être certain qu'au moins un des deux joueurs a une main forte, ce qui signifie que votre fold equity est très faible, ce qui s'oppose à une relance ou un push.
Vous avez une excellente cote du pot pour un call, en l'occurrence 1:4,1. Ceci ne suffit pas à suivre avec un tirage quinte bilatéral (avec 8 outs, il vous faut une cote de 1:4,875). Mais, puisque vous pouvez partir du principe qu'au moins un des deux joueurs a une main forte, vous pouvez vous accorder une bonne cote implicite, qui justifie un call.
En raison de la taille du pot sur le turn, vous n’aurez aucune difficulté à jouer votre main. Si vous ne touchez pas, vous devrez checker, dans la mesure où vous ne pouvez vous accorder qu’une fold equity minime.
Le pot est de 357 $ sur le turn. Si un adversaire mise ne serait-ce que la moitié du pot, vous ne pourrez pas suivre, car votre cote du pot sera trop faible, et la taille des stacks restantes ne vous permet pas de compter sur une cote implicite suffisante. Vous aurez donc un easy fold. Si vous touchez sur le turn, vous pouvez choisir, en fonction des adversaires, d’opter pour un check/raise ou un donkbet.
Scénario 2:
Hero bets $35, Villain2 (CO) calls $35, Villain1 (Button) calls $35.
Turn: ($147) 4 (3 players)
Hero checks, Villain2 (CO) checks, Villain1 (Button) bets $110, Hero folds
Le turn amène une blank. Vous checkez. Deux personnes vous avaient suivi sur le flop, et il est peu probable que les deux adversaires aient une main faible ou un tirage. Votre fold equity est donc trop faible pour retenter un semi-bluff.
Villain2 check derrière vous, et Villain1 mise 110 $ dans un pot de 147 $. Partons du principe que Villain2 va se coucher. Vous avez une cote du pot de 1:2,3 ce qui ne suffit pas à justifier un call (avec un 8-outer, il vous faudrait une cote de 1:4,875).
Le critère décisif pour un call doit donc être la cote implicite. Même si vous partez du principe que vous arriverez à prendre son tapis entier à Villain1 en cas de hit, votre cote est de 1:4,1. Cela ne suffit pas non plus, donc, vous vous couchez.
VOUS N’AVEZ PAS L’INITIATIVE
NL 2/4 Dollar
Button ($250)
SB ($200)
Hero ($240)
UTG ($180)
MP ($140)
Villain (CO) ($300)
Preflop: Hero is BB with T, A
2 folds, Villain (CO) raises to $12, 2 folds, Hero (BB) calls $8.
Flop: ($26) 6, 9, 7 (2 players)
Vous avez ATs au big blind, et avez touché un tirage couleur max plus gutshot (12 outs) sur le flop. Il est même probable que vous ayez des outs d’overcards. Il s’agit d’une main avec laquelle vous souhaiteriez vous mettre all-in sur le flop.
Ici, vous êtes clairement en tête face à l’éventail de stealraise de CO. Vous devez donc choisir une séquence de mise où c’est vous qui ferez le push final. Si vous êtes face à un adversaire qui fait lui-même volontiers un semi-bluff avec un tirage faible, alors la séquence du scénario suivant a également certains avantages
mais j’aurais pas forcément voulus value Ax river