L'Arjel fait-elle la publicité des sites de jeux illégaux ?

• 30 janvier 2014
• petiteglise
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L’Arjel vient de lancer une campagne, sous forme d’affiches, de messages radiophoniques et d’un clip, contre les plateformes de jeux illégales. Et si l’effet de ces publicités était l’inverse de celui escompté ?

Jeux en ligne : l’état de la législation

Le marché des jeux en ligne, ouvert à la concurrence en France en 2010, concerne trois secteurs distincts, tous régis par l’Arjel : les jeux de cercle (à l’heure actuelle, uniquement les pokers Texas Hold’em et Omaha), les paris sportifs et les paris hippiques. Les jeux de hasard pur sont eux encore sous le monopole de la Française des Jeux. C’est à dire que tous les casinos en ligne (machine à sous, roulette virtuels, etc) sont illégaux en France.
Pour les trois secteurs susmentionnés, l’Arjel tient une liste des opérateurs agréés, les autres étant de facto interdits en France.

Lors de son dernier bilan de la lutte contre les sites illégaux de jeux en ligne, datant du 1er mars 2013, l’Arjel recensait 2147 sites non agréés de paris sportifs/hippiques et/ou de poker/casino, incluant par exemple les versions .com des sites de poker. Parmi ces sites, 93% étaient en conformité, c’est-à-dire qu’ils refusent l’accès aux joueurs français.
C’est donc pour lutter contre les 7% de sites illégaux restants que l’Arjel a lancé une campagne publicitaire…

Sites illégaux de jeux en ligne : la campagne de l’Arjel

La campagne de l’Arjel se veut “à tonalité humoristique” et touche trois médias : presse, radio et internet. Avec trois annonces presse, trois spots radio et un clip que voici, l’Arjel veut délivrer les messages suivants : “On a tout à perdre à parier sur un site non agréé par l’Arjel” et “Arjel, pour que jouer reste un jeu”.

Ce clip vous laisse pantois ? Sachez d’abord qu’il a été réalisé par Publicis, un des trois plus gros groupes de communication au monde. Sachez ensuite qu’un des objectifs affichés par l’Arjel dans cette campagne est “la protection des mineurs”. Or, la vidéo est déconseillée aux mineurs, pour “contenu inapproprié”. On admirera le professionnalisme, mais c’est loin d’être le plus absurde dans cette campagne...

Le biais d’optimisme et la campagne de l’Arjel

Le biais d’optimisme est la tendance à croire qu’on a moins de risques de subir un événement négatif que les autres. Ceci explique le manque d’effectivité des campagnes anti-tabac. Quand on lit “fumer tue”, on pense “fumer tue le voisin, pas moi”. Le biais d’optimisme est également une des raisons poussant les joueurs à pratiquer des jeux perdants : “en moyenne ça perd, mais moi je vais gagner”.

Est-il vraiment crédible de penser que des gens vont arrêter de jouer après qu’on leur dit “on a tout à perdre à parier sur un site non agréé par l’Arjel” ?

L’effet Streisand et la campagne de l’Arjel

En 2003, Barbara Streisand a voulu faire interdire une photo publiée sur internet. L’annonce de la procédure eut pour effet de créer un buzz monstrueux autour de cette photo, qui n’aurait intéressé personne sans cette tentative de censure. Depuis lors, on parle d’effet Streisand quand une volonté d’interdire produit le résultat inverse. Un exemple récent est la photo peu avantageuse de François Hollande que l’AFP a retiré de son site.

Il semble que l’Arjel soit tombé dans ce piège. En disant à des millions de Français qu’il ne faut pas jouer sur des sites illégaux, elle annonce surtout qu’il est possible de jouer sur ces sites ! Ces sites avaient des difficultés à se faire de la pub, voilà qu’on parle d’eux dans la presse et à la radio !

Lutter efficacement contre les sites de jeux illégaux

Avec cette campagne l’Arjel a presque réussi à faire oublier qu’elle a aussi fait du bon boulot en matière de lutte contre les sites illégaux. Près de 40% des sites actuellement en conformité le sont suite à des procédures de l’Arjel. Quand un casino en ligne hébergé dans un paradis fiscal propose à des Français d’y jouer, il est normal que l’Arjel cherche à le faire interdire en France.

Mais le meilleur moyen de lutter contre l’offre illégal est sans doute de proposer une offre légale aussi attractive que possible.

Sans même parler d’élargir le marché, il n’était pas si compliqué de faire la promotion de l’offre légale existante.
Une triple campagne poker / paris sportifs / paris hippiques, du style “Betclic, Everest, Pokerstars, Winamax, etc… qualité, fiabilité, sécurité… jouez sur les sites agréés par l’Arjel” aurait sans doute été préférable.

Et vous, que pensez-vous de ces publicités ?