L'Art de la défense dans les pots 3bet

L'Art de la défense dans les pots 3bet

Les spots de pot 3bet sont là où se situent généralement les plus grosses pertes des joueurs. Découvrez l'article technique du coach Freudinou sur la défense dans ces pots 3bet en no-Limit Holdem, et tentez d'améliorer votre winrate dans ce genre de configuration.


L'importance des pots 3bet

pot_3bet_pokerSi nous demandons à un joueur où se situent ses plus grosses pertes, très souvent la réponse est : « Dans les pots 3bet » avant d’ajouter « je ne sais jamais où me situer ! ». Même un jeu de niveau moyen n’est pas suffisant dans ces situations car il va rapidement causer de lourdes pertes en raison de la taille du pot qui grossit très rapidement. Quand ils font face à un 3bet, les joueurs se trouvent particulièrement en difficulté lorsqu’ils ont une main moyenne ou un tirage. D’une certaine façon, ils se sentent obligé de la défendre pour ne pas être exploitables, mais en même temps, ils vont jouer une situation périlleuse postflop avec un adversaire qui va soit avoir une bonne main, soit tenter de la représenter pour pousser à l’erreur. Il est donc essentiel d’avoir des repères solides en défense, ce que nous allons développer ici.


Comment réagir à un 3bet avec une main moyenne ?

pot_3bet_pokerSe défendre dans un pot 3bet commence dès le préflop. La plupart des ennuis que vous allez rencontrer auront une cause unique : vous improvisez avec votre main au lieu d’avoir élaboré un plan auquel vous tenir postflop.

Prenons une main comme . Lorsque l’adversaire vous 3bet, vous devez vous interroger sur la structure de la range adverse. Est-elle mergée ou polarisée ? Si elle est mergée (par exemple AA-JJ,AKs-AQs,AKo-AQo) , votre mission postflop est simple car la range adverse vous domine (39,4 % préflop) : vous cherchez un brelan et rien d’autre. Contre une range polarisée, par exemple AA-QQ,AK,A5s-A2s,T8s,98s-97s,87s-86s,76s-75s,65s vous n’allez évidemment pas refuser un brelan, mais votre plan est plus ambitieux car votre main moyenne domine une partie de la range adverse comme le montre son équité de 55 % préflop. Elle est battue par le pôle value (QQ+/AK) mais reste devant le pôle bluff (A5s-A2s,T8s,98s-97s,87s-86s,76s-75s,65s). Votre mission : attrapez les bluffs adverses ! (bluffcatch). Votre plan est maintenant clair, pour le mener à bien, il va falloir se poser les bonnes questions.


Question n°1 : A quel point le board a-t-il impacté les mains non faites préflop ?

Prenons l’exemple d’un flop . Contre une range mergée, si l’adversaire fait un continuation bet, nous avons souvent la tentation de payer « une fois », surtout que nous battons les mains comme AK/AJ. Or, nous n’avons que 29,3 % d’équité avec notre contre la range que nous avons pris en exemple. A moins d’avoir une très bonne lecture de votre adversaire et de sa range, il faut vous en tenir à votre mission au flop, même si c’est parfois difficile mentalement, et folder votre main. Le fait est que la range adverse aura toujours percuté n’importe quel board du fait de sa force préflop.

Contre une range polarisée, les choses sont différentes. Notre équité est de 63,2 % face à notre range de référence. Nous sommes largement battus par les mains comme QQ+ mais nous avons environ 80 % d’équité contre l’ensemble des bluffs.  Et ces derniers composent la majorité de cette range comme vous pouvez le constater :

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Comparons cela à un board . Face à la range polarisée, notre équité diminue drastiquement à 33,2 % car le problème, c’est que les mains qui étaient des bluffs préflop comme A3s ainsi que AK viennent de faire top paire. Folder dès le flop sera sûrement la meilleure option.

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Sur un board 7h 6h 2d, avec une overpaire, nous avons 58,1 % d’équité. Nous restons devant la majorité des mains. Mais contre une range mergée, notre équité est 48,9 %. Folder sur un continuation bet au flop avec une telle équité et une overpaire est inconcevable pour beaucoup de joueurs. Pourtant il y a plusieurs arguments en faveur du fold :

  • Cette équité est calculée sur 2 streets si les deux joueurs checkent sagement jusqu’à la river, indépendamment des cartes qui sortent à la turn ou la river. Certainement pas le plan que compte employer votre adversaire qui a une range forte et qui représente une range forte.
  • Les bluffs adverses (AK/AQ) conservent une bonne équité (25 % environ) qu’ils ont souvent l’assurance de réaliser.
  • Nous savons situer notre main parce que nous sommes tranquillement assis sur notre chaise avec un calculateur d’équité à porté de main et une range théorique bien déterminée. Sur les tables, il vous faudra du temps avant de connaître exactement la range adverse et vous devrez situer votre équité rapidement.

C’est pourquoi, si vous êtes dans l’incertitude face à un bon joueur ou un adversaire qui vous pose problème au niveau de la lecture de son jeu, ne rentrez pas dans une bataille d’ego en prenant l’excuse d’une bonne cote et ayez le courage d’être lâche en foldant. Ceci étant, dès que vous aurez une idée de ses tendances et de sa range, il sera difficile de folder une telle main mais en gardant à l’esprit que les A, K et Q sont des mauvaises cartes pour vous.
 

Question n° 2 : quand mon adversaire arrête-t-il de bluffer ?

Quand votre adversaire 3bet une range polarisée, il est évident qu’il va souvent continuer son agression postflop. C’est un des buts d’une telle range, de cette façon, il est moins lisible et espère vous conduire à l’erreur. Pour éviter cela, demandez-vous simplement le nombre de streets qu’il est prêt à bluffer. Pour répondre à cette question, vous allez être attentif à plusieurs paramètres. Pour commencer, son agressivité. Si vous jouez online, un 18/15 avec 6 % de 3bet et 4 d’AF (Agression factor, soit le taux d’agressivité du joueur) vendra sa peau plus chère que le même profil avec 2 d’AF. Une AF de 2 signe en général un profil qui n’est pas particulièrement créatif dans ses moves et il y a donc moins de chances qu’il tente d’envoyer 3 barrels en bluff dans un pot 3bet.

Les stats les plus intéressantes sont celles de continuation bet dans un pot 3bet, malheureusement, elles mettent du temps à converger. Par exemple, si vous avez un joueur avec 90 % de Cbet au flop et 50 % de Cbet à la turn, vous avez probablement en face de vous un profil typique qui va beaucoup bluffer au flop mais ne va envoyer un second barrel uniquement s’il a une bonne main ou un tirage. Si vous avez un manque d’information sur le jeu postflop adverse, je vous propose la règle suivante : payer au flop est obligatoire, folder à la river également sur un 3ème barrel. La décision charnière se situe à la turn, je dirais que plus nous montons de limite, plus il est probable qu’un joueur random envoie directement 2 barrels dans un pot 3bet même s’il faut relativiser cela par rapport à la texture de board. De même, plus le joueur joue beaucoup de mains préflop, qui plus est agressivement, plus il y a de chances qu’il ne se contente pas d’une seule salve.


Pot 3bet : Que faire avec les tirages ?

pot_3bet_pokerDéfendre un tirage dans un pot 3bet est devenu plus complexe ces dernières années, les joueurs sont suspicieux et foldent rarement sur une relance lorsqu’ils ont touché quelque chose, ce qui fait que la fold équité nécessaire pour rentabiliser ce type de mains a diminué. N’espérez plus faire folder une paire d’as en payant au flop sur un board menaçant et en relançant à la turn, vous serez le plus souvent payé. Paradoxalement, les lignes passives ont repris de l’intérêt, même si un tirage tombe, l’adversaire aura tendance à ne pas nous mettre dessus (pas nécessairement à tort d’ailleurs) et nous aurons une cote implicite, à nous de déterminer si elle est suffisante. De plus, lorsque le tirage ne rentre pas, nous aurons certaines opportunités de bluffs à la river. Cependant, évitez sans lecture précise, de payer préflop des mains qui n’ont comme vocation que de toucher des tirages, comme 9s 8s car vous allez voir que rentabiliser de telles mains demande de la précision et des informations.


La ligne passive

Prenons un exemple. Nous sommes en NL 100 avec 100 € de stack effectif. Nous ouvrons au CO avec à 3 € et notre adversaire en Big blind, un régulier de la limite, nous 3bet à 10 €. Nous décidons de payer en position. Le flop est et le pot fait 20,5 €, l’adversaire fait un Continuation bet à 11 €, nous payons. La turn est un 2c et il décide d’accélérer et d’envoyer un second barrel à 25 € dans un pot de 42,5 €. Nous devons maintenant déterminer l’équité minimum de notre main pour justifier de payer. La difficulté est de savoir à quelle fréquence et combien notre adversaire va miser à la river. Sur ce genre de board peu menaçant, l’adversaire va miser la river très souvent. Il le fera avec ses bonnes mains comme AK et mieux et avec une certaine proportion de bluffs qui peuvent essayer de nous faire folder une seconde paire, suivant la dynamique que nous avons. Concernant le sizing, il est probable qu’il mise all-in afin de maximiser sa Fold equity avec ses bluffs et également sa value quand il est avec une bonne main, soit 54 €. Supposons qu’il mise 75 % du temps la river, dans ce cas, nous avons en moyenne 0,75*54 = 40,5 € de cote implicite river. A cela s’ajoute le gain du pot actuel à la turn de 67,5 € soit un total à gagner de 108 € quand notre tirage rentre. Matthew Janda, grand théoricien du poker, propose la formule suivante pour trouver l’équité minimale de notre main à la turn pour justifier de payer :

(108)(X) – (25)(1 – X) = 0
=> X = 18,7 %

Avec 108 la taille du pot à gagner et 25 la somme que nous risquons en payant à la turn. S’il ne continue qu’avec AA-QQ,AKo,AKs,A5s-A2s,87s-86s,76s-75s,65s, nous avons 22,5 % d’équité , notre main justifie largement le call.
Ajoutons que si la river est une brique, comme un par exemple et que notre adversaire check, nous avons une excellente opportunité de bluffer en partant all-in. En effet, il y a très peu de mains moyennes dans sa range, peut être QQ. Par contre, il y en a beaucoup dans la notre comme 77-QQ qui vont tout simplement check back, ce serait une perte de value pour lui de checker ici une main comme top paire ou mieux. Nous avons également peu de tirages manqués qui voudraient se transformer en bluff. Par conséquent, la plupart du temps, lorsqu’il check , il a tout simplement rien, mais le problème, c’est que ce rien nous bat comme A2s ou même 98s ! Nous avons donc tout intérêt à partir all-in avec notre main.


La ligne agressive : la relance à la turn

Savoir si cette ligne est rentable se résout par un simple calcul d’EV, même si trouver le meilleur sizing ne sera pas facile. Nous partons all-in pour 79 € afin de gagner un pot de 67,5 €, il reste 54 € à l’adversaire. Nous prenons comme hypothèse que l’adversaire paye avec top paire ou mieux, ainsi que QQ qui est suspicieuse face à notre move. Nous avons 43,6 % de Fold equity. La bonne opération ici est que nous pouvons faire folder un tirage quinte adverse. Lorsque nous sommes payés, notre main a 17,9 % d’équité. Nous allons calculer l’EV de cette relance :

EV All-in = %Fold * Pot + %Call [(%Gain*Pot + Call Tapis adverse) – (%Perte*Montant de notre raise)
EV All-in = 0,436*67,5 + 0,564 [(0,179*121.5) – (0,821*79)]
EV All-in = 5,12 € soit environ 5 bb.

Nous constatons que cette option est possible dans ce cas précis mais il faut avoir conscience que nous serons rarement crédible sur notre raise. En effet, quelle main voudrait relancer sur un 2c ? Un brelan aura tout intérêt à payer pour garder le plus longtemps possible les bluffs adverses. En d’autres termes, un petit changement de paramètre lié à l’incohérence de notre ligne pourrait très vite diminuer l’EV de cette main. De plus, si nous relançons uniquement nos tirages ici, nous serons exploitables, nous devrons donc rajouter des mains fortes comme un brelan. En voulant protéger notre infime range de raise ici, nous perdons de la value les fois où nous avons touché un brelan car ces derniers auront tout intérêt à essayer de prendre de la value des bluffs adverses en payant simplement la turn. Cette stratégie peut donc être utilisée à court terme ou de temps en temps dans une optique exploitante mais sera difficile à garder sur le long terme dans cette situation, c’est une stratégie EV+, mais ce n’est pas la +EV. Il est également possible de faire varier les sizings pour manipuler le risque/récompense mais il faut garder en tête que plus nous baissons le sizing, plus notre adversaire sera tenté de conserver des mains qui nous battent, voir de nous revenir dessus.

Inversement, il y a des situations où la relance est sûrement la meilleure option. Prenons la même situation, excepté que maintenant nous avons 8s 7s et le flop est Ks 9c 3s. L’adversaire mise sur un Jc à la turn. Evidemment, payer la turn avec une telle main est profitable mais la stratégie qui aura la meilleure EV sera certainement le raise. En effet, la couleur est un tirage assez « voyant » dans cette situation. Si elle rentre, l’adversaire devrait freiner l’action avec ses bluffs, parfois même ses bonnes mains, et si elle ne rentre pas, il trouvera plus facilement un check/call en nous mettant sur un tirage manqué. Moins d’opportunité de bluffer la river. Notre cote implicite est aussi moins bonne. Pire, il y a une cote implicite inversée car notre tirage n’est pas max. Dans ce coup, si nous avons un brelan, nous voudrons très certainement relancer la turn sur un board qui commence à devenir dangereux où la river risque soit de donner la main gagnante à l’adversaire, soit bloquer l’action. Nous serons donc assez crédibles pour faire folder des mains meilleures que la notre en relançant.


La défense dans les pots 3bet : conclusion

Jouer un pot 3bet en défense peut devenir aisé à condition de travailler des situations spécifiques en dehors des tables et d’avoir la discipline mentale de suivre ses plans. Vous devez vous assurer de ne pas surjouer certaines mains et évaluer avec précision les cotes implicites et les équités nécessaires pour jouer vos tirages. A force d’expérience, l’attaquant finira par se sentir agressé face à votre solide défense.


Présentation de Freudinou

pot_3bet_pokerAprès un Master en Psychologie Clinique, j’ai fait du poker ma profession en 2013, date de mon entrée comme coach chez Poker Académie. J’évolue principalement en NL 50 et je coache les joueurs de micro-limites. Limites qui restent encore très rentables sur le .fr. Aussi bien sur les tables que lors des coachings, j’essaye d’avoir une approche méthodique et adaptative avec une place spécifique concernant l’importance du mental au poker. Vous pouvez me retrouver sur mon blog qui traite aussi bien des contenus techniques que mentaux : http://blogs.poker-academie.com/freudinou/.

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Article écrit par Freudinou

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