L'Overbet à la turn

L'Overbet à la turn

Après avoir présenté le donkbet sur la turn dans un article précédent, Freudinou continue à s'intéresser à cette street et vous expose cette fois-ci un move encore trop peu utilisé et maitrisé : L'overbet à la turn !



Introduction à l'Overbet turn
 

L’overbet à la turn est d’une certaine manière ce que l’Omaha est au hold’em : le futur du poker qui n’arrive jamais. Ce move a beau avoir été présenté, justifié, expliqué maintes et maintes fois, il a encore du mal à s’imposer sur les limites inférieures à la NL 50. Il constitue donc un formidable chantier d’amélioration technique en ayant conscience que les adversaires qui le rencontreront auront peu d’expérience face à lui.

Il met immédiatement une certaine tension psychologique : le pot devient gros, les erreurs sont coûteuses. Ajoutons à cela un effet levier : vous menacez de miser encore (très) cher sur la river. L’adversaire aura souvent le sentiment de se faire « own », autrement dit l’impression d’être exploité car pas suffisamment préparé. Nous allons développer ici les justifications théoriques d’un tel move tout en réfléchissant aux applications pratiques. La théorie se base sur l’application du MDF (minimum defense frequency) chez votre adversaire et c’est logiquement que je vais commencer en vous présentant cette dernière.
 


La théorie du MDF (Minimum Defense Frequency)


Il s’agit du pourcentage minimum de sa range que votre adversaire doit défendre face à votre mise pour ne pas être exploité. Je précise de suite que cette théorie a des exceptions mais elle s’applique assez bien dans les configurations de ranges polarisées comme sont celles des stratégies d’overbet turn.

Pour trouver la valeur du MDF, il suffit d’appliquer la formule suivante : 

MDF = (1 – A)*100

A = Formule du risk /reward.

Oui, nous devons faire un petit détour. Cette formule du risk/reward détermine à partir de quel pourcentage de fold adverse une mise de notre part devient immédiatement profitable. Le détail est le suivant : risque / (risque + récompense). 

Pour trouver le MDF, il suffit ensuite de soustraire ce résultat à 1 puis de le multiplier par 100 et cela donnera le pourcentage de défense nécessaire à l’adversaire pour ne pas être exploité. Prenons un exemple pour plus de clarté :

Vous avez devant vous un pot de 10 € et vous misez 15 € pour le remporter. Quel est le MDF pour votre adversaire ? 

Vous risquez 15 € pour une récompense de 10 €, la formule du risk / reward nous donne 15 / (15 + 10) = 0,6. 

Son MDF est donc de (1 – 0,6)*100 = 40.

Le MDF de vilain est de 40 %. S’il descend en dessous de cette valeur, il est exploité et l’overbet va jouer sur cette « obligation » de défense de sa part.



Un exemple caractéristique 


Je vous propose de prendre un exemple concret pour illustrer cette théorie. Vous êtes au bouton et vous ouvrez à 2,5 bb. La Big blind, un joueur régulier, vous paye. Le flop est . Vous effectuez un continuation bet à 1/3 du pot. Vilain paye. Vous savez qu’il a tendance à jouer ses très bonnes mains de manière directe, il aura donc la plupart du temps check/raise ses doubles paires et mieux dès le flop. La turn est un . Vous décidez de faire un overbet à 150 % du pot. Votre range est composée de mains fortes telles que AJ+ et de quelques bluffs. Pourquoi ? 

Ici le MDF de vilain est de 40 %. Si vous regardez de plus prêt, vous avez de très bonnes mains que vilain n’a pas ou presque pas dans sa range. Des mains comme AQ/AK/AJs qu’il aurait sûrement 3bet préflop ainsi que des doubles paires ou mieux qu’il aurait souvent check/raise au flop. Pourtant, sachez que vous êtes derrière au niveau de l’équité avec votre range. Autour des 45 %.De base, vous n’avez pas intérêt à miser fréquemment dans ce pot mais cela ne veut pas dire que vous n’avez pas des mains que vous ne souhaitez pas miser. Justement, vos très bonnes top paires et vos nuts ont non seulement une très bonne équité…mais en plus votre adversaire n’aura pas grand-chose à leur opposer ! Ces mains ne sont quasiment jamais battues. Pour remplir le MDF, vilain va devoir aller assez bas dans sa range et payer des As avec un mauvais kicker par exemple.

Il se condamne donc à perdre des sommes énormes avec des mains moins fortes que vos mains de value mais en faisant cela il a une compensation importante : il fait barrage à vos bluffs. En effet, étant donné qu’il remplit le MDF, votre quantité de bluffs dans ce coup est limitée, vous ne pouvez pas abuser. Si jamais vilain avait refusé de défendre le MDF, alors vous auriez pu ouvrir le robinet des bluffs. D’où la formulation « d’obligation de défense » de sa part. Ici, vous allez sûrement devoir checker 50 à 60 % de votre range : à savoir vos bluffs et les mains nécessaires à la protection de votre range de check. De plus, il ne faut pas oublier que vilain reste globalement devant votre range. Il a donc perdu la bataille face à vos nuts mais cela ne signifie pas qu’il a dû livrer tous ses territoires. Ici, en misant cher, nous pouvons dire que vous avez valorisé votre nuts advantage face à la range cappée de votre adversaire.


Pour synthétiser, on peut overbet quand :

  • On est en situation de nuts advantage vs range advantage (range polarisée le plus souvent)

  • Les mains qu’on mise en value ont une très bonne équité et sont rarement battues

  • La range adverse est « relativement » cappée

    • Vilain n’a pas de nuts à « opposer » à nos propres nuts

  • Les mains qu’on mise ne sont pas nécessaires à la protection de la range de check.



Quelques conseils pratiques :

  • Jouer exploitant au niveau des combinaisons

    • Si vilain fold trop, on va plus bluffer

    • Si vilain call trop, on va value plus large

  • L’overbet marche parfois un peu trop bien…attention si vous avez une bonne main et que c’est votre premier overbet contre vilain, il risquerait de folder des mains assez bonnes que vous ne souhaitez pas chasser.

  • Ne pas abuser au niveau des bluffs, gardez une image correcte

  • Jouer la river de manière honnête dans un premier temp

 


Quelques exemples d'application d'overbet turn
 

Sur une texture de board dry qui brique à la turn

Vous êtes en SB avec et vous ouvrez à 3 bb face à un joueur régulier de NL 25 en big blind. Il paye, sa range de call est de 40 % et vous avez observé qu’il se contente de 3bet de manière assez linéaire environ 6/7 % de ses mains.
Le flop est . Le pot fait 6 bb. Sur ce board, votre range a environ 55 % d’équité, votre 49 %.
Vous misez un tiers pot afin de valoriser votre range advantage et KJ est un bluff tellement excellent qu’il en serait presque de la value. L’adversaire vous paye. La turn est un . D’un coup votre monde avec ce KJ devient moins sympathique. Son équité descend à environ 30 % mais surtout la carte qui vient de sortir est une brique. Vous allez avoir du mal à faire folder des mains à votre adversaire si vous souhaitez continuer l’action. Par exemple 88-66, 98s peuvent être des folds théoriques, dans la pratique, ne vous étonnez pas de vous faire payer car vilain va se dire que ce 5 ne change rien et qu’il n’y a donc pas de raison de folder. Si vous optez pour un sizing « classique » de ¾ pot, il est peu probable que votre adversaire soit très coopérant. Vous ferez folder quelques hauteurs As qui attendaient leurs backdoors et quelques autres mains dans le même cas mais ça ne sera souvent pas suffisant. 

Votre adversaire a sûrement besoin d’un peu de motivation pour abandonner et cela tombe bien car l’overbet est souvent très motivant à ce niveau là si on en croit les databases…C’est pourquoi je vous propose ici de faire un overbet à environ 120/130 % du pot. Vous visez les secondes paires et moins qui subissent alors une énorme pression. Autrement dit, vous allez générer « artificiellement » votre fold equity par le biais de votre sizing. Ca ne sera pas facile pour votre adversaire de défendre dans la pratique ce que la théorie lui demande. Notez que cette mise est d’ailleurs justifiée d’un point de vue théorique et donc avec certaines mains de value très fortes comme AQ+. Vilain pour remplir le MDF devra payer des mains qui seront battues par vos mains de value. Même si sa range n’est pas cappée au sens premier du terme car il peut encore avoir des doubles paires et des brelans, il lui manque dans sa range les meilleures top paires ainsi que les overpaires que vous avez dans la vôtre et que vous tentez de valoriser au maximum par le biais de votre sizing.

Remarquez que vous pouvez opter pour une stratégie à double bet sizing à ce stade en mettant 1/3 pot avec des mains de value moins fortes comme Q2s ou TT. Vilain devra payer large une range dominée. Pensez à garder quelques combinaisons en check et bien entendu placez quelques bluffs. 

Cette stratégie est possible du fait que c’est une brique qui tombe à la turn, si c’était un , le meilleur sizing avec votre range serait sûrement 1/3 pot. Pour commencer, il est dérangeant de mettre un gros sizing qui va être perdu plus souvent en raison de la présence de couleurs chez l’adversaire. Ensuite, en mettant un petit sizing, vous obligez des mains du type 3x ou 8x à payer. Ce sont des mains en assez grande quantité et elles auraient eu le « droit » de folder sur un overbet.


Pot 3bet oop SB vs BTN

Vous êtes en SB avec et un vilain ouvre à 2,5 bb au BTN. Vous effectuez un 3bet à 10 bb et il paye. Voici les deux ranges respectives :

overbet turn


Le flop est . Une texture de board assez dynamique. Vous êtes légèrement devant avec votre range et votre QQ culmine à 75 % d’équité. Néanmoins, vous avez beaucoup de mains problématiques comme des As suités sans tirages ou des paires comme 77. Sans compter que la réalisation de l’équité de vos mains pose souci sur cette texture de board. Vous allez donc développer une grande range de check et par conséquent miser une range polarisée avec un gros sizing. Vous effectuez un continuation bet à ¾ du pot. Vilain paye. Heureusement pour vous, la turn est une brique, le 2h, et vous aurez encore la meilleure équité avec votre range la plupart du temps.

Si vous mettez cette main dans un solver, il pourrait vous proposer d’overbet à tapis. Pourquoi ? Pour commencer, la range adverse n’est techniquement pas cappée mais vous avez plus de fortes overpaires. C’est donc un moyen de maximiser leur value. Egalement important, vous allez deny de l’equity à des mains intéressantes comme AQ/KQ/98s/ …En vérité, je préfère le terme de « Deny EV ».
En effet, sur un plus petit sizing, ces mains vont toucher la river à une certaine fréquence et ensuite gagner une certaine somme. Cette somme, en misant aussi cher, vous empêchez vilain de la remporter. A ce stade les logiciels comme les solvers ont un grand intérêt car ils permettent de mieux mesurer le risque. Ai-je intérêt à laisser une main derrière ma range réaliser son équité ou non ? Ici la réponse est non et d’un point de vue pratique, on le comprend assez bien car il reste de nombreuses cartes à tomber à la river qui seront difficiles à négocier comme les carreaux, les 9, les A et les K. Pour finir, sur un overbet à 1,5x le pot, défendre 60 % de sa range n’est pas chose aisée pour vilain, mettez vous un instant à sa place et vous pourrez le constater.



Comment sélectionner vos bluffs d'overbet turn ?


Les bluffs à la turn devront répondre au moins à l’un de ces trois impératifs :

  • Avoir une très bonne équité pour améliorer
     
  • Bloquer les très bonnes mains adverses
     
  • Pouvoir se transformer en nuts à la river

Dans le premier exemple sur , des mains T9/96s/T6s/43s/54s/JT/ / /K2s/Q2s répondent à au moins l’un de ces critères.

Dans notre second exemple sur , des mains comme KJ/KT/A3/A2/JT/76s concordent assez bien à ces impératifs.

Enfin, dans le dernier exemple sur , KQ/AQ/AK/A3/A4 constituent des candidates potentielles.

Notez qu’il vaut mieux ne pas avoir un jeu évident à la river si on transforme en nuts afin d’avoir une meilleure cote implicite. Par exemple vilain ne s’attend pas à A3/A2 dans le second exemple. De même attention aux cotes implicites inversées, si vous rentrez une quinte mais que la couleur est possible en face, c’est une opération périlleuse…



Overbet au turn : Comment jouer les rivers ?


Mon conseil dans un premier temps est simple : en value. Vilain vous a payé un gros sizing à la turn, il s’attend à faire face à de l’agression à la river, il est donc prêt à payer le plus souvent. Sachez que vous n’êtes pas obligé d’overbet à tout prix la river, mais si vous estimez qu’il est temps de le faire, mon conseil est de privilégier des mains qui vont bloquer la calling range adverse et/ou ne pas bloquer la folding range.
Sur X, vilain peut folder des mains comme , T9o et tout de même quelques petits As. Evitons de les bloquer. Sur X, sur un river, miser Js 8s est intéressant, vous bloquez les bluffcatchers QJ sans bloquer des mains comme A9/K9 qui vont sûrement trouver que cela fait cher de payer un overbet all-in. Certes, vous bloquez également JT mais il est parfois difficile de tout concilier.


Cet article n’est pas le premier du genre à aborder l’overbet à la turn. Il est certain qu’intégrer un tel move à son arsenal tactique va demander un bon investissement car les erreurs sont chères. Ne soyez pas le genre de joueur ou de joueuse qui se décourage après quelques caves perdues en essayant de progresser. Analysez vos erreurs, elles sont un investissement pour l’avenir. Ainsi, vous améliorerez votre jeu jusqu’à avoir dans votre panel une stratégie que plus d’un adversaire vous enviera.
 


 

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Présentation de Freudinou


Joueur de poker professionnel et coach sur Poker Académie depuis 2013, Freudinou a coaché à ce jour plus de 200 joueurs dont certains sont aujourd'hui professionnels. Son coaching se caractérise par une approche construite et méthodique. Psychologue de formation, l'aspect mental du jeu fait partie intégrante de son enseignement. Il a également une excellente maîtrise des logiciels poker (Trackers, Flopzilla, PIO Solver, GTO+...).
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