Poker et sommeil

Poker et sommeil

Pourquoi dort-on ? Quel est le rythme de sommeil optimal ? Quelles sont les conséquences du manque de sommeil ? Comment lutter contre l’insomnie ? A quoi rêvent les joueurs de poker ?

Pourquoi dort-on ?

Un être humain passe environ un tiers de sa vie à dormir. Avec l’espérance de vie actuelle en France, cela représente plus de 25 ans de sommeil cumulés. Pourtant, personne ne sait véritablement pourquoi l’on dort.
Bien sûr, on sait tous que si l’on est privé de sommeil, on sera fatigué. Plus précisément, le manque de sommeil impactera négativement sur notre santé, notre humeur ou encore nos capacités cognitives. Cela dit, il n’y a toujours pas de grande théorie universellement adoptée, qui expliquerait les raisons fondamentales du sommeil, ainsi que les différences de rythme entre les individus et les espèces. Deux théories tirent néanmoins leur épingle du jeu.

La première que l’on pourrait qualifier de “gestion du temps” est liée à la survie et à la sélection naturelle.
On peut être tenté de croire que le sommeil est un défaut dans l’évolution naturelle : quand on dort, on semble être à la merci des prédateurs ce qui serait très Ev- en terme de survie. Mais une analyse plus approfondie tend à montrer que c’est l’inverse. Considérons les chauves-souris, qui sont un des mammifères qui dorment le plus : 20h par jour plus une période d’hibernation complète. Le gros avantage des chauves-souris est leur vision nocturne, leur gros inconvénient est leur petite taille. Elles ne sortent que lorsqu’elles c’est Ev+ : en été et de nuit, c’est à dire lorsqu’il y a manger, qu’elles voient parfaitement et qu’elles ne sont pas une proie pour leurs prédateurs. Le reste du temps, elles dorment.
Les humains préhistoriques fonctionnaient de manière similaire : s’ils ne dormaient pas la nuit, ils auraient été en grand danger, sans pouvoir ni chasser ni cueillir. Pour la survie, mieux valait passer ses nuits dans une grotte, en dépensant le moins d’énergie possible. Selon cette théorie, le sommeil serait donc la solution la plus Ev+ en terme de survie : quand il n’est pas recommandé d’aller se nourrir, on se cache et on évite de dépenser de l’énergie.

La deuxième théorie est beaucoup plus intéressante pour les joueurs de poker : c’est celle de la consolidation de la mémoire et de l’apprentissage. On reçoit des millions d’informations durant une journée et ça serait durant le sommeil que le cerveau ferait le tri entre le signal et le bruit, entre ce qu’il vaut mieux oublier et ce qu’il faut mémoriser. Très concrètement, des neurones se connectent durant le sommeil, renforçant l’apprentissage de la journée précédente. Pour certaines capacités, les études ont montré qu’il valait mieux s’entraîner durant une heure et dormir une heure que s’entraîner pendant trois heures.
Encore plus précis, les chercheurs commencent à comprendre quel cycle du sommeil (voir figure ci-contre) est lié à quel type de mémoire.
Ainsi, le sommeil paradoxal favoriserait la reconnaissance de patterns.
La phase 2 serait liée à la mémoire motrice, qu’il s’agisse de jouer un instrument de musique ou d’effectuer un pas de danse.
Les phases 3 et 4 consolideraient la mémoire déclarative : celle qui nous permet de retenir des dates, des mots de vocabulaire ou des formules de science.

Voilà les deux théories les plus en vogue sur le sommeil, théories qui sont plus complémentaires qu’opposées. Concernant le poker, on peut conclure que si un joueur arrête de dormir, outre qu’il mourrait d’épuisement, il ne pourrait pas progresser ou en tous cas pas aussi vite qu’en dormant régulièrement.

Rythmes de sommeil

Aujourd’hui, la plupart des gens dorment d’une traite, la nuit. Un français moyen dort 7h en semaine et 8h le week-end soit environ 1h30 de moins qu’il y a 50 ans à peine. Il y a actuellement un problème global de manque de sommeil car un adulte devrait dormir 8h en moyenne, entre 6 et 10 selon les personnes.

Si l’on remonte encore plus loin, au moyen-âge et sans doute avant, la norme était un sommeil en deux étapes, entrecoupées d’une phase d’environ 1h, appelée le dorveille, durant laquelle les gens priaient, se racontaient leurs rêves ou couchaient ensemble. Ce serait le cycle de sommeil naturel chez l’homme.

La sieste a été et est encore énormément pratiquée, surtout dans les pays chauds. On lui prête de nombreuses vertus, en particulier pour l’apprentissage et la mémoire. Ce n’est sûrement pas un hasard si elle fait partie de la routine de nombreux sportifs de haut niveau. Attention tout de même, une sieste trop longue (plus de 1h / 1h30) peut entraîner une somnolence due à l’inertie du sommeil.

Enfin, certains pratiquent le sommeil polyphasique, qui comporte de nombreuses variantes : 3 ou 4 phases de 2h réparties tout au long de la journée, une nuit de 4h et une sieste de 2h, ou encore une succession de sieste de 30 min comme chez les navigateurs en solitaire.

Un joueur de poker pro en ligne a plus de liberté concernant son rythme de sommeil qu’un employé 9h / 18h et une des variantes du sommeil polyphasique pourrait lui convenir. A défaut, on ne peut que recommander une bonne nuit de sommeil et une sieste après une session / un entraînement.

Les effets du manque de sommeil chez le joueur de poker

Les effets d’un manque de sommeil chronique sont catastrophiques au niveau de la santé ou encore du bonheur. Même après une seule nuit trop courte, des conséquences négatives se font sentir dont certaines concernent directement les joueurs de poker : problèmes de concentration, troubles de la mémoire et plus grande émotivité (et donc sensibilité au tilt). Au volant une étude a montré que 17h sans sommeil équivaut à une alcoolémie de 0.5g/L et 24 sans sommeil à une alcoolémie de 1g/L.

Les causes du manque de sommeil chez le joueur de poker

L’effet Tétris est un des deux principaux ennemis de l’endormissement chez les joueurs : on joue à un jeu pendant des heures (Tétris est donc le jeu éponyme mais c’est aussi valable pour le poker) et dès qu’on ferme les yeux, on continue d’y jouer mentalement ou en tous cas de voir des images du jeu. Parfois, la partie peut même se prolonger dans les rêves.

Le stress est le deuxième ennemi du sommeil. Biochimiquement, le stress se traduit par la production d’hormones comme l’adrénaline et le cortisol. Or ces deux hormones sont stimulantes et tiennent en éveil, difficile donc de s’endormir si leur taux est élevé. Un joueur de poker stresse souvent pendant une session et parfois même avant, comme un amateur qui se retrouverait au Day 3 du ME des WSOP.

Lutter contre l’insomnie

Il n’y a pas de remède miracle contre l’insomnie et les somnifères, légaux ou non, outre qu’ils peuvent nuire à la cognition, entraînent une accoutumance et repoussent le problème plus qu’il ne le règlent. Il existe cependant de nombreuses recommandations générales pour favoriser le sommeil, qui peuvent se résumer en “ayez une meilleur hygiène de vie”. Je vais donc me contenter de donner des conseils spécifiques aux joueurs de poker.

La règle d’or est : pas de poker et pas d’écran avant de s’endormir. Le poker favorise l’effet Tétris et la lumière bleue de nos écrans nuit au sommeil. Même si vous finissez votre session tard, il vaut souvent mieux passer du temps à se détendre que d’essayer de s’endormir tout de suite. De manière générale, on peut dire que si vous êtes victime de l’effet Tétris au coucher, il vaut mieux rallumer la lumière et pratiquer une activité de détente.

Parmi les activités les plus propices au sommeil on peut citer : les balades, la lecture, le rire, la méditation et le yoga, les câlins (augmentent le taux d’ocytocine et font baisser celui de cortisol) et le sexe. Pour se dernier remède, il faudrait optimalement éviter les problèmes du sommeil à deux (bruits, mouvements, et dormir sur la béquille pour les hommes). Donc au risque de passer pour un salaud, après une session de poker stressante, vous pouvez inviter une femme, la câliner et coucher avec, mais demandez de lui de partir juste après...

Rêves de joueurs

Je l’ai déjà mentionné, l’effet Tétris peut influer sur les rêves, il est donc fréquent pour un joueur de rêver qu’il joue. Au delà de cet effet, il existe un scénario commun à des rêves fréquents chez tous les sportifs : une situation absurde empêche le jeu de se dérouler normalement. Pour un joueur de poker, ça peut être du style : vous ne recevez qu’une seule hole card, vous gagnez le coup mais le site donne l’argent à votre adversaire, vous jouez full bankroll sur une table de very high stakes et vous n’avez même pas une blind…

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