Pourquoi aime-t-on manger des chips et de la pizza quand on joue au poker ?

Pourquoi aime-t-on manger des chips et de la pizza quand on joue au poker ?

De l’impact de l’apport de glucose au cerveau aux problèmes diététiques de manger l’esprit occupé, découvrez la science de manger gras et sucré en jouant au poker.

Le cliché veut que les joueurs de poker s’empiffrent de pizzas et s’abreuvent de sodas devant leurs écrans. Comme tout cliché, celui-ci contient une part de vérité, que celui qui n’a jamais consommé de junk food en jouant au poker me jette la première cacahouète !

Les raisons pratiques

Commençons par enfoncer une porte ouverte pour vite la refermer : il y a évidemment une raison pratique à manger de la junk food. Quand on tient une souris en main, c’est plus facile de manger des chips qu’un homard…

Manger l’esprit occupé

Depuis l’avènement du plateau repas devant la télé, le sujet de manger l’esprit occupé par un écran a été maintes fois étudié par les scientifiques. Une récente méta analyse de 24 études a établi les chiffres suivants :
On mange en moyenne 10% de plus durant un repas où notre attention est captée par un écran (télé ou jeu)
Pis encore, on mange 25% de plus durant la journée, après un tel repas. (Ayant du mal à se rappeler tout ce qu’on a mangé, on aurait inconsciemment plus faim).

Une première conclusion s’impose : si vous voulez perdre du poids sans changer vos plats habituels ni faire du sport, ne faites rien d’autre que manger durant les repas. Par le simple fait d’être focus sur la nourriture, vous mangerez nettement moins, sans avoir l’impression de vous priver.

Notons également qu’il y a là un effet d’habitude. Si tous les soirs vous mangez devant votre MTT quotidien de 21h, la routine peut s’installer vite et être dure à changer.

D’un point de vue diététique, manger en jouant est loin d’être optimal. Mais on peut se demander s’il n’y a également pas des bénéfices. Après tout, beaucoup serait prêts à prendre du ventre, si leur bankroll grossissait tout autant.

Fatigue de décision et nourriture.

La fatigue de décision est un type de fatigue distinct de celle physique. La capacité à prendre des décisions est une ressource limitée et donc, plus on l’use moins il nous en reste. Une étude israélienne a été réalisée 1112 décisions de juges responsables des libérations conditionnelles. 

Les dossiers n’étaient pas classés et rationnellement le pourcentage de libération devait être constant toute la journée. Dans les faits, le pourcentage de libérations passait de 70% en début de journée à moins de 10% en fin de journée. L’explication ? Le choix par défaut, le plus facile est de refuser la libération d’un prisonnier : pas de risque, moins de justifications à donner. Libérer un prisonnier demande de bien peser le pour et le contre, consomme beaucoup d’énergie. En fin de journée, le juge fatigué se met en mode pilote automatique et refuse les libérations.

Quand on regarde la courbe des libérations en fonction du temps sur une journée, on remarque deux pics. Ils correspondent aux deux pauses repas. Se nourrir permet donc de lutter contre la fatigue de décision, de recharger sa capacité à faire des choix.
Conclusion pour le joueur de poker : ne pas jouer le ventre vide, surtout si on a passé la journée à prendre des décisions.

Faim et concentration

Plusieurs études ont montré que lorsqu’on a faim, on se concentre bien mieux sur tout ce qui à trait à la nourriture et beaucoup moins bien sur tout le reste, même au niveau inconscient.
Ainsi, un groupe affamé à qui l’on flashait des mots durant une fraction de seconde, retenait mieux les mots liés à la nourriture que le groupe contrôle. Mais si après un mot comme “gâteau” venait un mot neutre comme “stylo”, ils avaient  plus de mal à le retenir car leur esprit restait involontairement concentré sur le “gâteau”.
Des tests de mémoire basés sur des images type Memory ont montré des résultats similaires : ceux qui avaient faim avaient une meilleure mémoire liée à la nourriture et une moins bonne pour tous les autres domaines.

L’homme a évolué de manière à se concentrer sur la nourriture quand il a faim, au détriment du reste.
On en revient à la même conclusion : ne jouez pas au poker le ventre vide.

Tâches mentales et glucose

Le cerveau pèse seulement environ 2% de notre masse (1.4 kg pour 70kg) mais consomme 20% de notre énergie. Les IRMf (Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle) ont montré que les neurones qui s’activent s’approvisionnent en énergie supplémentaire sous forme de glucose et d’oxygène.

Des scientifiques en ont conclu que résoudre des tâches mentales fait baisser le taux de glucose dans le sang et qu’en toute logique il est recommandé de s’approvisionner en glucose avant de s’atteler à une telle tâche. On aurait envie de crier vive la junk food et de passer au Macdo sans culpabiliser avant notre prochaine session...

Ca vous parait trop beau pour être vrai ? Ca l’est. Les méta analyses ont montré que les divers résultats étaient tout sauf concluants et souvent contradictoires. D’après le spécialiste Claude Messier, en théorie oui, résoudre un problème mental difficile demande plus de glucose, mais la consommation de base, du cerveau “au repos” est tellement grande que la différence est négligeable.

En fait, quand on se sent mentalement fatigué, c’est souvent plus une question de psychologie, de perception, que de physiologie. On peut se sentir crevé après avoir lu 3 pages d’un roman, mais pas après avoir vu l’adaptation cinématographique de 2h. Certains se sentent plus alertes, plus affûtés après avoir résolu des sudokus mais épuisé après avoir lu l’énoncé de leur devoir de maths…

Pourtant, on se rappelle tous de moments où l’on était réellement épuisé après une épreuve intellectuelle, un exam ou un MTT. Alors certes, ce n’est pas que notre cerveau a pompé tout notre glucose, mais la fatigue ne peut être que psychologique, si ?

Stress et glucose

Lors d’une tâche mentale stressante, le cerveau n’est pas le seul organe concerné. Quand on stresse, des hormones circulent dans tous nos vaisseaux sanguins, on transpire, notre coeur s'accélère, tout notre corps bougeotte…

Une étude consistait à passer un test stressant avant de se voir servir à manger. Les participants ont ingurgité en moyenne 200 calories de plus que le groupe contrôle. Après le test et avant de manger, leur physiologie a été scrutée : taux de glucose standard… mais présence de cortisole dans le sang, pression sanguine élevée, fréquence cardiaque élevée, et report d’anxiété… Bref, ils se sont goinfrés non pas qu’ils étaient mentalement fatigués mais parce qu’ils étaient stressés.

Conclusion

Ne jouez pas au poker le ventre vide, et mangez avant et sainement. D'ailleurs comme la digestion est elle-même consommatrice d'énergie (le fameux coup de barre d'après manger) vous devriez idéalement attendre un peu entre le repas et le début de la session. 

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