Interview : Roger Hairabedian se livre pour Poker-Académie

Interview : Roger Hairabedian se livre pour Poker-Académie

Depuis ses récentes performances dans des tournois majeurs du circuit professionnel, Big Roger surfe sur l'actualité poker. Poker-Académie a pu organiser une interview exclusive avec Roger Hairabedian afin de lui poser quelques questions. Cet amoureux du jeu, qui n'a pas pour habitude d'avoir sa langue dans sa poche, y répond avec une totale transparence.


Interview de Roger Hairabedian


big roger interviewPoker-Académie : Bonjour Roger, et félicitations pour ta récente première place lors de la finale du WiPT par équipe. Comment as tu vécu cette victoire entourée de tes deux potes Antonin Teisseire et Stéphane Bazin ? Surtout que le field à la fin du tournoi était relevé, à l'image de la team « la Genèse » (Clement Thumy, Hugo Lemaire, Yann Brosolo) que vous avez rencontré en demi finale.

Roger Hairabedian : Je suis en quelque sorte, un ovni.
Il est vrai que je voulais frapper très fort au tournoi Winamax par équipes, et je trouve qu'on n'en a pas fait autant d'éloges que le résultat le méritait.
Imaginez un seul instant que ça ait été une équipe de la Room qui ait gagné, ça aurait été la légion d'honneur !! Non, je plaisante. L'organisation nous a très bien considéré d'autant plus qu'ils me prennent très au sérieux. Notamment, Michel Abecassis, qui me connaît de longue date et qui a suivi mon évolution. Personnage fort sympathique d'ailleurs, qui, pour moi, est un joueur de référence de par son niveau et de par sa simplicité. Je sais qu'il fera un très gros résultat un jour.
L'équipe Winamax est pour moi la plus forte. Ils mettent les moyens et fournissent beaucoup de travail.
Au vu de tout ça, je voulais frapper très fort !! J’avais le choix soit, de faire une équipe pour le fun avec mes fistons, (ce que j'aurai probablement réalisé si les équipes étaient composées de 4 joueurs, Mais qui aurais je dû mettre sur la touche ?), soit de constituer une équipe de soldats.
Alors mes fils ont constitué leur équipe, baptisée "le bon la brute et le truand ».
Quand a moi, après mûre réflexion, tel un sélectionneur de foot, j'ai choisi 2 combattants hors pair. J'ai d'abord voulu vérifier leur état d'esprit.
"Êtes vous prêts les amis à venir combattre ?"et ils m'ont convaincu de par leurs réponses. Ils étaient enragés.
Nous avons beaucoup de joueurs très talentueux en sommeil, en France,  qui ont été obligé de stopper, faute de moyens alors qu'ils ont largement le niveau.
Je suis très fier d'avoir conduit mon équipe à la victoire et leur soutien me fut très précieux. Bravo à eux d'avoir su saisir leur chance !!
Il faut dire qu'auparavant, je les avais mené avec moi, à Chypre, où ils avaient perfé sur le Main Event, puisque Bazin avait gagné, Teisseire 3ème et mon fils Anthony 4ème.
Le format du tournoi par équipes est très intéressant !! A rééditer.
En bref, j'ai réussi à prouver que l'expérience et les années de pratique ont enseveli les jeunes loups, pas encore assez aguerris, mais dont je me méfie. Le trio Lemaire, Thumy et Brossolo étaient le plus dangereux et je dois avouer avoir «  chatté » contre Hugo, sans quoi peut être, les choses auraient été différentes.
Ils sont la relève, de plus ils ont capté certaines choses et réajusté leur jeu dans le bon sens. Je dirais qu'ils sont beaucoup plus solides.

 

Poker-Académie : On te voit très peu jouer online. Y a t' il une raison particulière à cela ?



Roger Hairabedian : Le « Online » est l'école du Poker. Si je n’y joue pas, c'est que je n'ai pas envie de retourner a l'école à mon âge. Et puis le live, c'est la vie. A partir du moment où je considère le Poker comme un Sport, le « Online » n'a plus cours. Je vois le « Online » comme allié du live, là, on est ok.

 

Poker-Académie : En octobre dernier, tu as été le premier français à remporter deux bracelets WSOP. Pourtant, tu ne participes jamais au circuit WSOP américain, privilégiant uniquement les WSOPE. Pourquoi un tel « boycott » des tournois de Las Vegas ?

Roger Hairabedian : Il est vrai que beaucoup se posent la question de savoir pourquoi ne vais-je pas à Vegas. La réponse est assez simple :
Je ne suis pas un jeune qui part à l'aventure. Malgré un profil désinvolte et assez insouciant, détrompez-vous, je fais mes calculs pour pouvoir durer.
J'ai une grande famille qui, de plus, s'est mise au poker. Mes 3 fils ne vont pas tarder a faire des résultats spectaculaires. Alors si je dois aller à Vegas, nous irons ensemble, avec ma femme et leur compagne, en famille.
Pour le moment, je les mène sur des destinations où j'ai un rôle d'ambassadeur et dans lesquelles nous avons les moyens de développer nos idées.
Ma famille avant tout, ils l'ont mérité.

 

interview roger hairabedianP.A : Tu as battu en head's up finale le grand Erik Seidel lors de ton sacre aux derniers WSOPE, alors qu'il démarrait avec un avantage important en jetons. Avec ses 8 bracelets, le considères-tu comme un des tous meilleurs joueurs du circuit ? Quel est est d'ailleurs les trois joueurs en live qui t'ont posé le plus de problèmes à table ?

R.H : Comment ne pas prendre en compte un joueur comme Erik Seidel !!
L'équation est simple. J'ai 2 bracelets et suis maintenant reconnu du circuit. Imaginez, lui, avec  ses 8 bracelets. C'est véritablement une légende !
Vous savez, j'ai rencontré les meilleurs joueurs du monde et à un certain niveau, personne n'impressionne l'autre.
Après, tout n’est qu’une question d'inspiration. Et pouvoir, comme je l'ai fait lors de ma finale contre Seidel, ajuster mon jeu au sien et à son agressivité. J’ai mis tout mon savoir dans l'un des moments les plus importants de ma carrière, comme peuvent le faire les athlètes pendant les JO.
Je savais que c'était le moment ou jamais. Il fallait gagner pour rentrer dans l'Histoire. C'est ce que j’ai fait.
Le poker live est un spectacle lorsqu'il est pratiqué à ce niveau. C'est ce que je veux montrer au grand public, afin qu'un jour il se rende compte de la magnificence de ce jeu, de ses subtilités, tant physiques que psychologiques comme stratégiques.
Partant de ce postulat, on comprend que le Online ne pourra jamais procurer les sensations qu’on peut ressentir en Live.

 

P.A : Il existe une multitude de profils différents au poker. Tu serais plutôt Viktor Blom ou Phil Hellmuth dans l'approche que tu as du jeu ? Longball ou smallball ?

R.H : Je souhaite garder mon identité. Je ne veux ressembler à personne. Par contre, lors d'une confrontation avec l'un d'entre eux, si l’une de leur technique sur un coup précis me plait, celle-ci est instantanément analysée et enregistrée puis mise en pratique dès l'événement suivant.

 

P.A : Tu viens du milieu du sport à haut niveau (équipe de France de judo). Qu'est ce que cela t'as apporté dans ta carrière de joueur ?

R.H : Je pense qu'un tournoi de poker est tel un marathon. Et tel un marathonien, j’essaie de rester dans le peloton de tête, économisant mon énergie pour que le moment voulu, je puisse mettre  plein gaz pour distancer mes adversaires épuisés. Comme je l'ai fait avec Seidel.  Je lui ai imposé du rythme, sans relâche jusqu'à la victoire libératrice.

 

Francis Le BelgeP.A : Tout le monde sait que tu es un joueur de la vieille école, c'est d'ailleurs ce qui fait ta force. Tu dois bien avoir une anecdote croustillante à nous raconter après toutes ces années passées à table à une époque où le poker était beaucoup moins aseptisé que maintenant ?

R.H : Je suis déçu par les envieux, par ceux qui souhaitent me voir enfin tomber. Je dérange trop j'en suis conscient, mais c'est loin d'être fini. Je suis un gagnant et un gagnant respecte la Gagne.
Je veux continuer à montrer l'exemple à mes fils.
Lorsque l'on me dit que je fais partie de la Old school, cela me fait sourire. Je pense qu'au contraire, je fais partie de la New school. Ce sont ceux qui ont disparus qui font partie de la Old school.
Le Poker n'a pas d'âge, j'en suis la preuve vivante.
Maintenant,  il est certain que j'ai vécu des anecdotes plus que croustillantes, surtout à Marseille. J'ai même joué aux cartes avec « l'immortel » et « le Belge » comme bien d'autres. Et quoi qu’on en dise, ils ont toujours eu un comportement exemplaire, lors de ces parties de cartes. Ils tendaient toujours  la main aux plus démunis comme des Robins des Bois.

 

P.A : Tu as participé à un challenge head's up face au coach Poker-Académie Basil « Basou » Yaich il y a quelques mois de cela que tu as remporté de justesse. Peux tu nous en parler brièvement ?

R.H : Il y a quelques mois, j'ai rencontré effectivement Basile et il s'en est bien tiré. Il aurait dû finir KO, mais contrairement à certains, il a, au moins, eu l'audace de venir m'affronter.
Les jeunes se surestiment, c'est leur gros défaut. Ils ne peuvent rivaliser avec un joueur qui a des dizaines d'années d'expérience et qui de plus, accumulent les résultats. Il faut se rendre a l'évidence.
Il s'en est sorti. Tant mieux pour lui, qui croyait m'écraser.

 

P.A : Le poker évolue extrêmement vite, le niveau tend vers le haut, et il est de plus en plus rare de s'asseoir à une table « facile ». Comment travailles tu ton jeu ?  Regardes tu un peu ce qui se raconte sur les forums spécialisés ou t'arrive t-il de regarder des vidéos techniques pour te remettre au goût du jour quand tu en ressens le besoin ?

R.H : Mes résultats sont le fruit d'un travail acharné. J'évolue en participant à un maximum de tournois.  Comme un sportif de haut niveau, je m’impose un entraînement intensif.


 

Questions des membres


Yeepaa : Lors de ton premier bracelet, tu as failli fold en table finale (en tous cas les images donne cette impression) le second full. (As4dQsQc sur JhQd5dAs5s).
N'y voit aucune critique, la hauteur de l'évènement, le sérieux du joueur (Finlandais me semble t'il) jusque là ont fatalement eu une influence sur ta décision. Mais si tu te souviens de ce que tu avais en tête à ce moment la, je suis preneur !
gl pour la suite et continue à perfer.

 


A partir de 4h57

 

Roger Hairabedian : Il est vrai que lorsque j'ai gagné mon premier bracelet, j'ai réfléchis longtemps. Non pas avec le second,  mais le troisième Nuts, car il pouvait y avoir carré de 5 ou full aux as. Et je dois avouer franchement, que j'ai songé à passer, car je ne battais qu'un bluff . Et si je vous donne la raison pour laquelle j'ai payé , vous allez vous dire : « mais cela n'a rien a voir avec le Poker ! ». J'ai refait la scène dans ma tête. Il fallait que je sois persuadé qu'il bluffait. Nous étions a quelques places du bracelet et j'en avais loupé un, l'année précédente, finissant 3ème du split format, avec le deuxième Nuts. Alors cette mauvaise expérience m'a fait réfléchir.
C'est à cause de sa gestuelle que j'ai call son tapis. Il a été trop vite. Et il s'est ainsi trahi. S'il avait eu les Nuts,  il m'aurait travaillé psychologiquement. Il aurait pris un peu plus de temps. En fait, mon donk bet lui a fait croire que je bluffais,  puisqu’en étant hors position, j'aurais dû checker et ne lui laisser que l'ultime solution de pousser son tapis. Je pense que ce sont ces coups la qui me permettent de faire la différence .

 

jacksixte : Alors Roger ou en est ce régime et comment ça se passe ?

Roger Hairabedian : Le poker que je considère comme un sport exige beaucoup de votre personne.Vu l'handicap que me posait mon poids, je me suis décidé à subir une gastrectomie, il y a 4 mois. J’espère ainsi passer de 185kgs à 100kgs a peu près. J'en ai perdu presque 40, pour le moment, et me sens déjà beaucoup mieux.

 

Sim92 : Je constate que tu as de bons résultats en tournoi. Aussi, je voudrais savoir comment tu gère les débuts de tournois à savoir comment arrives tu à t'extirper des premiers tours jusqu'aux 2 premiers tours avec antes.
Es tu souvent obligé de faire tapis, ou 3bet en resteal sur les moyens tapis qui relancent, pour maintenir un tapis décent, ou payes tu les relances en fin de parole parfois avec n'importe quel jeu afin de profiter de ta meilleure lecture postflop?
En gros ce qui m'intéresse, c'est pas la fin de tournoi, mais comment tu y arrives et comment tu gères les débuts de tournoi.
Me concernant, je joue trop serré et survivre, même si c'est souvent un tapis correspondant à la moyenne
.

Roger Hairabedian : Je pense qu'au Poker, je me sers d'une arme beaucoup plus forte que l'inspiration ou l'instinct, et c'est avec cette dernière que j'arrive à des résultats spectaculaires, c'est le raisonnement.
[Bir Roger ne semble pas vouloir parler de ses stratégies en tournois]

 

Benjamin Shal : Y'a t'il un coup qui t'as particulièrement marqué au cours de ta carrière ?

Roger Hairabedian : Un jour en finale du Diamond de L'ACF, je me retrouve dans un coup contre Devil Fish. J'ai en main au bouton, A2 et il est de B. J'attaque. Il call. Le flop arrive : 2QT . Il bet. Je call. Turn : J . Il checke, même chose chez moi. River : 9 . Là, il bet à la hauteur de la moitié de mon tapis, sachant que nous étions tous les 2, chip-leaders. Je me mets à réfléchir. Le public connaissant ma main, pense que je suis en train de plaisanter. Et j'entre dans un long raisonnement, car je l'avais observé longtemps.
A cet instant, il est très difficile pour moi de Call car il n'y a guère de range de mains adverses qui me font gagner. Pourtant, je suis persuadé qu'il est en bluff total. D'après son jeu, il n'aurait pas fait aussi cher sur la River mais c'est dur. Il faut que ses cartes soient mariées, entre l'as et le sept, et sans paire. Je finis par payer. Il jète alors ses cartes. Tous les médias sont venus. La salle était en délire.. Demandez a Nicolas Fraioli qui est toujours le tournament Director de L'ACF.

 

staifi42 : Bonjour Roger, dans ta stratégie de jeu, quelle part réserves tu à l'intuition ?

R.H : La part que je laisse a l'intuition est tout de même assez infime car on en est tous pourvu et cela ne peut faire la spectaculaire différence Je pense que la lecture est beaucoup plus puissante comme arme.

 

gege de golfe : Quand on dit chez Ruquier, j'ai 2 bracelets de champion du monde,tout le monde croit sur le plateau qu'il y a un champion du monde par année.
Pourquoi vous vous gardez de dire qu'il y a X events et qu'au dernier WSOP 2013 ,61 personnes peuvent dire qu'ils sont champions du monde ?

R.H : Que voulez vous dire qu'un bracelet  ne représenté pas la valeur d'un titre mondial. Je pense qu'il représente beaucoup plus et je vais vous en donner la raison.
En sport lorsque l'on participe aux jeux dans pratiquement toutes les disciplines vous n'avez qu'un seul participants par nation finalement ce n'est pas obligatoirement tous les meilleurs qui seront présents puisqu'il y a des sélections dans chaque pays privant ainsi peut être aux meilleurs de participer.
Par exemple en judo le Japon dominait largement cette discipline et nombreux furent privés d'un titre olympique ou d'un titre de champion du monde. D'autre part lorsque vous participez aux jeux vous ne dépassez pas les 100 participants.
On a pu voir ainsi se faufiler des médailles olympiques qui ne les méritait peut être pas dans l'absolu...
Aux WSOP tout le monde peut participer et nous avons une série d'une cinquantaine de tournois aboutissant sur des bracelet pour en obtenir un il faut gagner monter sur le podium ne suffit pas et cela en présence des meilleurs joueurs du monde. Le bracelet est ce qu'il y a de plus prestigieux au poker, rares sont ceux qui en ont 2 surtout en France :)
Pour le gagner faut battre tout le monde de plus c'est un sport individuel personne ne marquera à votre place et vous fera gagner un titre mondial ou olympique
Alors oui c'est un véritable exploit que de remporter 2 bracelets qui équivalent largement à un titre de champion du monde même s'il y en a 50 distribués chaque année..

 

stepholi : Comment fais tu pour travailler ton poker, pour rester à la page sur sizing et nouveaux moves?
Est-ce que tu apprends encore des choses au poker : technique, lecture, .. ?
Si oui la dernière chose que tu as appris ?

R.H : Si je continue a jouer au poker c'est que cela me passionne toujours autant et je progresse de jour en jour car j'y met beaucoup de travail il n'y a pas de science exacte a chaque table avec les mêmes cartes vos décisions seront différentes car les profils de vos adversaires seront différents
Je travaille beaucoup sur l'étude du comportement humain et c'est sur ce point que je progresse le plus ce que vous ne pourrez jamais faire sur le on Line
Je me transforme en profiler et essaye d'être un expert en utilisant le moindre indice et essayer de pousser avec tous ces arguments mes adversaires a la faute je ne tiens plus très compte de la valeur de mes cartes puisque le bluff existe et toute la différence se fait la et même en étant hors position le poker évolué dans ce sens
Parfois j'adopte une position de défenseur et la aussi on peut beaucoup évoluer et éviter les fautes commises auparavant
La part que je laisse a l'intuition est tout de même assez infime car on en est tous pourvu et cela ne peut faire la spectaculaire différence
Je pense que la lecture est beaucoup plus puissante comme arme.


La dernière chose que j''ai apprise est qu'il fallait gagner car on ne se souvient jamais du 2ème
 

 

Un grand merci à Big Roger d'avoir pris le temps de répondre à toutes nos questions. Toute l'équipe de Poker-Académie lui souhaite le meilleur pour le reste de sa carrière.

 

 

 

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